Accueil Une Page d'Histoire Histoires de familles Le pélerin " Eudes le Maire " et la franchise (1897)

Le pélerin " Eudes le Maire " et la franchise (1897)

Histoire publiée à Etampes en 1897, chez Hubert Droz sous le titre :

 

Le pèlerin « Eudes le Maire » et la franchise

 

Philippe 1er, roi de France de 1060 à 1108 fut un monarque indolent et plus occupé de ses plaisirs que des affaires de son royaume. Cependant, il réunit à la couronne pendant son règne : le Gâtinais en 1068, le Vexin en 1082 et le vicomté de Bourges en 1100.
Mais il s’attira des difficultés avec le Saint-Siège à cause de ses mariages. Ainsi, il répudie en 1091 sa première femme pour épouser Bertrade de Montfort qu’il avait enlevée à son mari le comte d’Anjou. Pour ce fait, le pape l’excommunia(*) en 1095. Il resta sous cette sentence dix années durant, période pendant laquelle ses sujets se détournèrent de lui. Il ne put prendre part à la 1 ère croisade et dut finalement s’humilier devant Pascal II pour obtenir l’absolution.
Eudes le Maire devait être à cette époque le maire du village de Chalo. Il avait un garçon et six filles. L’une d’elles, Tiphaine , épousa Alain Chartier qui devint fiscalin de Philippe 1er.

Aux dires des auteurs du XVIe siècle, le roi Philippe 1er avait fait vœu d’aller, armé de toutes pièces, visiter le tombeau du Christ à Jérusalem, suspendre ses armes dans le temple qu’il souhaitait enrichir de ses dons. Les prélats et seigneurs du royaume prévoyant les maux qu’occasionneraient son absence s’efforcèrent vivement de le retenir. Alors un de ses fidèles serviteurs, Eudes le Maire, dit « Chalo Saint Mard », né à Etampes, offrit d’entreprendre lui-même le saint Voyage à la place du roi. Il partit à pied, armé comme pour aller en bataille et portant dans sa main un cierge qu’il allumait à divers intervalles. Deux années furent nécessaires pour parvenir au terme de sa course. Il déposa ses armes dans le temple du Saint-Sépulcre où, plusieurs années après, on les voyait encore, ainsi qu’un tableau d’airain, mémorial de son vœu.
Le noble pèlerin avait laissé son fils Ansolde et ses filles sous le patronage du roi.
Son retour dans sa patrie fut le signal d’honneurs dont il fut comblé. En témoignage d’estime et de satisfaction, le roi lui accorda l’exemption de tous péages, tributs et autres droits, pour lui et toute sa race.

Grâce à cette « franchise », les descendants d’Eudes Le Maire étaient exemptés de toutes servitudes, de la plupart des impôts, taxes et droits, perçus dans le royaume pour le compte du roi ou de ses vassaux, tant par terre que par eaux : « … Péages, barrages, ports, passages, entrée de vins, taille, fortifications, criées, emprunts, coutumes, boues, chandelles, gardes, droits d’entrée, gabelle, curatelle, tutelle, commissions etc.… »

Les hoirs anoblis purent s’allier aux plus anciennes et illustres familles. Ce privilège énorme s’accrut avec la lignée, à ce point que l’historien de la Navarre, Favyn, disait que « les plus riches marchands venaient des villes frontières de ce royaume pour jouir des avantages d’icelle franchise, prendre femme à Etampes et aux environs, afin de pouvoir, en toute liberté, trafiquer francs et quittes de tous droits et passages. Et ces filles, par ce moyen, richement mariées sans bourse délier. Numerabant in dote triumphos »

Cette « franchise » avait ses gardes chargés de la défendre. Elle disposait d’une chambre « camera » pour la conservation des titres et autres objets concernant le privilège. Le document est ainsi rédigé :

« Le roi a ordonné, en outre à ses serviteurs d’Etampes, de garder à Châlo sa chambre, parce que Châlo doit garder Etampes et veiller soigneusement à la conservation d’Etampes (quia Clallo debet custodire Stampas) »

D’autre part, de hautes obligations s’imposaient à la lignée. Ils escortaient et veillaient le corps des rois et reines en passage à Etampes. Au cours des siècles, le nombre de ceux qui s’en prévalaient était tel que les rois effrayés avaient mis successivement tout en œuvre pour arrêter cette marée montante qui menaçait de submerger tous les budgets et de tarir la source des revenus les plus lucratifs du Trésor. Après des restrictions sans nombre, sur les droits et les exemptions, Henry III en 1578 qualifiait encore « d’excessif » le nombre des prétendus descendants d’Eudes Le Maire.

Henry IV pour sa part en comptait sept à huit mille, tous riches marchands. Trouvant la plaisanterie un peu forte, il abrogea le privilège. Mais celui-ci avait bonne constitution, il résista jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, ayant vécu près de 670 années.

 

  • (*) Excommunication : adressée au souverain, cette sentence interdisait tout sacrement sur l’ensemble du royaume : baptêmes, mariages, funérailles y étaient proscrits.


Source : Origines de Chalo St Mars

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