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La franchise de Challo saint Mard - Dom Basile Fleureau (1683)

Dom Basile Fleureau

Les Antiquitez de la Ville et du Duché d’Estampes
Paris, Coignard, 1683
Premiere Partie, Chapitre XXIV(a), pp. 77-91.
 
PREMIÈRE PARTIE, CHAPITRE XXIV.

La franchise de Challo saint Mard
 
 
Nos Historiens n’ont pas remarqué par quel motif le Roy Philippe I. fit vœu d’aller armé de toutes pieces, l’armet en tête, la visiere baissée, l’épée ceinte à son côté, sa cotte d’armes sur le dos, & habillé de la même façon, qu’il se trouvoit dans les batailles, visiter le saint Sepulcre de Nôtre Seigneur à Jerusalem, y rendre ses vœux, laisser ses armes dans ce Temple, & l’enrichir de ses dons. On ne sçait pas si ce fut à cause de quelque peril où il se fût rencontré, soit à la bataille de Cassel en Flandre, en laquelle son armée fut entierement defaite, & la Noblesse de son Roiaume tuée; ou en quelque semblable occasion: ou par une devotion assez commune en ce temps-là plûtôt, que par penitence qui luy eût été imposée, commc disent quelques-uns, qui se trompent: Car l’Histoire ne nous apprend point qu’il eût encore commis de crimes enormes, comme il en commit depuis. Quoy qu’il en soit, c’est la commune opinion, que le Roy n’ayant pas été conseillé par les Prelats, & Seigneurs de son Roiaume, d’accomplir son vœu en propre personne; à cause que l’absence de Sa Majesté, auroit pû causer plusieurs desordres dans le Roiaume; Les Rois étans dans leurs Etats, comme le Soleil dans le monde, par l’absence duquel il s’éleve toûjours des troubles, & des orages dans l’air, il voulut au moins, le faire accomplir par un autre; & que de tous ses serviteurs, il n’y eut qu’Eude, le Maire du village de Challo saint Mard, (ou Medard,) son serviteur domestique, quelques-uns adjoûtent, qu’il étoit de sa Chambre, qui s’offrit de faire ce voyage pour Sa Majesté, en l’équipage qu’elle avoit promis. Il employa deux années à faire ce pelerinage, tant à cause de la longueur, & de la difficulté du chemin, que pour le poids des armes dont il étoit chargé, & vêtu; & qu’il laissa dans le Temple du S. Sepulcre de Jerusalem, où elles ont demeuré plusieurs années aprés, avec un tableau d’airain, où le discours de ce [p.78] vœu, & du voyage étoit gravé. Avant le depart d’Eude, le Roy se rendit Baillistre, & Gardenoble de ses six enfans, un fils nommé Anselot, & cinq filles: Et aprés son retour, en reconnoissance du signalé service qu’il luy avoit rendu il luy accorda pour toute sa famille, & pour tous ceux qui en descendroient, tant des mâles que des femelles, de tres beaux pivileges. Le plus grand, le plus remarquable, & le premier étoit, que tous les Fiscalins, ou serfs de Sa Majesté épousant les filles dudit le Maire, ou celles qui descendroient de sa famille, seroient nobles, & affranchis de toute servitude: ce qui est proprement dire, que les femmes de la famille d’Eude affranchissoient & annoblissoient leurs maris, comme l’on dit que font les Damoiselles de Champagne, par un privilege special de nos Rois; & les hommes de la même famille affranchissoient les femmes Fiscalines qu’ils épousoient; ensemble les enfans issus d’elles, contre la maxime de Droit, qui veut que le fruit ou l’enfant suive la condition du ventre c’est à dire de la mere, quant à la noblesse, ou la servitude. La Charte de ce privilege fut expediée dans le Palais du Roy, à Estampes, au mois de Mars de l’an de Nôtre Seigneur 1085. & de son regne le 25. Cette Charte n’a pû venir jusques à nous. Le temps qui consume tout, ou le malheur des guerres, qui furent grandes en France aprés qu’il eut été accordé: ou la negligence de ceux qui l’avoient eu en garde, en ayant fait perdre l’original: Au temps du Roy saint Louis, l’on eut recours à trois illustres Abbez, de saint Magloire, de saint Victor, & de sainte Geneviéve de Paris, qui certifierent d’avoir veu, & leu l’original du privilege accordé par le Roy Philippe Premier, à la posterité d’Eude le Maire, laquelle en a depuis librement, & paisiblement joüy, jusques au temps que je cotteray cy-aprés. Voicy la copie de ce privilege, extraite des Archives de la franchise dite de Challo saint Mard, gardées en la maison commune de la Ville d’Estampes.     
 
Eudes le Maire recevant la franchise de la part de Philippe Ier
Eudes recevant la fanchise de la main de Philippe Ier - Miniature de M Valton d'après une peinture sur bois de l'Eglise St André des Arts
 
 
     Notum fieri volumus quod Odo major de Challo, nutu divino, concessu Philippi Franciæ Regis, cujus famulus erat, ad sepulchrum Domini perrexit, qui Ansolidum filium suum, & quinque filias suas in manu, & custodia ipsius Regis dimisit: & ipse Rex pueros illos in manu, & custodia recepit, & retinuit: conceßitque Ansolido, & quinque præfatis sororibus suis, Odonis filiabus, pro Dei amore, & sola Charitatis gratia, & sancti Sepulchri reverentia, quod si hæredes masculi, ex ipsis exeuntes, fœminas jugo servitutis Regi detentas matrimonio ducerent, liberabat, & à vinculo servitutis absolvebat. Si vero [p.79] servi Regis fœminas de genere hæredum Odonis maritali lege duxissent, ipsæ cum hæredibus suis de servitute Regis essent. Rex autem hæredibus Odonis, & eorum hæredibus Marchiam suam de Challo, & homines suos custodiendos in feodo conceßit; ita quod nullo famulorum Regis, nisi pro solo Rege, justitiam facerent, & quod in tota terra Regis nullam consuetudinem darent. Rex vero tunc temporis præcepit famulis suis de Stampis, ut custodirent Challo cameram suam; quia Challo debet custodire Stampas, & earum curam servandarum diligenter habere. Et ut hæc libertas & hæc pacta firma, & inconvulsa permaneant, memoriale istud inde fieri, & nominis sui caractere, seu sigillo signari, & præsente propria manu sua, Cruce sancta corroborari præcepit astantibus in Palatio quorum nomina sunt subtitulata, & signa, Hugonis, tunc temporis dapiferi, Guastonis de Pisciaco Constabularii, Pagani Aurelianensis Cubicularii, Guidonis fratris Galeranni, Camerarii. Actum Stampis, Mense Martio in Palatio: anno ab incarnatione 1085. anno vero regni ejus 25. interfuerunt præfatæ libertati in testimonium veritatis Anselinus, filius Aremberti. Albertus Bruniconiatus, Guesnerus sacerdos de Challo. Gerardus Decanus. Petrus filius Erardi [espace de 1 à 2 mots] & Haymo filius ejus.
     Ego frater Andræas, B. Maglorii parisius humilis Abbas testificor me vidisse privilegium illustrißimi Regis Philippi: & verbo ad verbum legisse, pro ut continetur in præsenti scripto.
     Ego frater Anselmus, sancti Victoris Parisius humilis Abbas, testificor me vidisse privilegium illustrißimi Regis Philippi, & verbo ad verbum legisse, prout continetur in præsenti scripto.
     Ego frater Theobaldus, sanctæ Genovefæ Parisius humilis Abbas, testificor me vidisse privilegium illustrißimi Regis Philippi, & verbo ad verbum legisse, prout continetur in præsenti scripto.

    (Voir la traduction par François Guizot (1839) du texte latin ici publié par Fleureau )
 
    Pour l’intelligence de ce premier privilege, il faut observer que le mot de servitute, dans cette proposition, si vero servi Regis fœminas de genere hæredum Odonis maritali lege duxissent,  ipsæ cum hæredibus suis de servitute Regis essent, ne se prend pas au même sens que celuy de servi, mais en un autre & qu’il signifie en ce lieu train domestique, que les Italiens qui ont tiré leur langage du Latin, appellent la servitù, ou qu’il est usurpé au même sens qu’on prenoit celuy de servientes, qui signifioit gens de guerre à cheval, que l’on appelloit anciennement, sergens, par le changement de la lettre V, en G, assez usité parmy les anciens François, & que l’on a depuis nommez Escuyers, qui dans une Ordonnance [p.80] du Parlement de Paris de l’an 1274. au mois de Septembre, tiennent le quatriéme rang entre les nobles, qui furent condamnez au dépens, & à l’amende, pour n’avoir pas suivy le Roy Philippe le Hardy, en son armée, à laquelle il les avoit convoquez, lorsqu’il alla châtier le Comte de Foix, parce qu’il avoit osé entrer à main armée dans son Royaume, & ruiner un Château appartenant à Sa Majesté, où Girard de Casaubon, Seigneur Châtellain s’étoit retiré, & mis en la protection du Roy, pour éviter la fureur de ce Comte son ennemy, qui le poursuivoit pour l’exterminer avec toute sa famille. Cette Ordonnance distingue la Noblesse en quatre degrez, mettant au premier les Barons, qui étoient les Princes du sang, & autres Seigneurs qui par la grandeur de leur naissance, ou dignité de leurs charges dans l’Etat, avoient l’honneur d’assister aux Conseils du Roy, avec les Evêques, & les Prelats que Sa Majesté y appelloit. Les Chevaliers Bannerets tiennent le second rang. Favin en son Hist. de Navarre, remarque, qu’ils devoient du moins avoir, & entretenir à leurs dépens, vingt-quatre Gentils-hommes, suivis chacun d’un Escuyer ou Sergent. Ce qui se peut entendre, comme je croy, qu’ils devoient avoir avec eux, vingt-quatre vassaux, suivis chacun d’un arriere-vassal, armé d’épée, de jacque de maille, & de la masse d’armes, portant avec cela l’écu de son Seigneur, auquel seul l’usage de la Lance étoit reservé. Les Chevaliers simples sont au troisiéme rang; & les Sergens, ou Escuyers tiennent le dernier, comme inferieurs aux autres en noblesse. Cette Ordonnance se lit au 5. vol. Hist. Franc. de Duchesne dont je l’ay prise.
   


     Pag. 621.

     Taxatio expensarum, & emendarum contra nobiles, qui submoniti non fuerunt in exercitum fuxensem.
     PHilippus Dei gratia Francorum Rex, Baillivo, &c. ut jura regni nostri liberiùs, & pleniùs conserventur, & etiam delinquentes animadversione debita puniantur, per nostram fuit Curiam ordinatum quod nostri subditi, qui nobis tenentur cum expensis suis ad servitium exercitus: & qui de veniendo nobiscum in exercitum fuxensem submoniti, non venerunt, tantumdem nobis reddant, quantùm secundùm æstimationem communem, si nobiscum fuissent, veniendo, redeundo, & morando, expendere debuissent: & quod emendam insuper idoneam nobis præstent: Vndè mandamus vobis, secundum ordinationem prædictam, quatenùs exigatis, pro qualibet die, qua nobis, [p.81] vt dictum est servitium prædictum debebat, à singulis Baronibus, pro personis suis centum solidos turonenses, ratione dictarum expensarum: & quinquaginta solidos turonenses pro emenda, & à singulis Vexillariis, seu Baneriariis XX. solidos turonenses, ratione dictarum expensarum. Et X. solides [Lisez: solidos] turonenses pro emenda. Et à quolibet simplici milite, X. solidos turonenses, ratione dictarum expensarum: Et V. solidos turonenses pro emenda. Et à quolibet serviente, seu Armigero, V. solidos turonenses ratione dictarum expensarum: & pro emenda II. solidos VI. denarios. Ita videlicet quod singulos Barones, & singulos Vexillarios, nihilominus compellatis ad solvendum nobis pro singulis militibus, quos secum habuissent seu habere debuissent, ad faciendum servitium supradictum: videlicet pro singulis diebus X. sol. turon. pro expensis cujuslibet militis: & V. solidos turonenses ratione cujuslibet similiter pro emenda. Summa verò per XL. dies, pro quolibet Barone, ratione personæ suæ, militibus suis in hac summa minimè computatis CCC. libræ turon. summa per XL. dies quo quolibet milite vexillaris ratione personæ suæ, militibus suis in hac summa minimè computatis, LX. lib. turon. Et per XL. dies pro quolibet milite XXX. lib. turon. Summa per XL. dies pro quolibet serviente XV. lib. turon. Rursùs mandamus vobis, ut à singulis, qui ad nostras expensas tenentur ad servitium supradictum, & qui submoniti de faciendo dicto servitio, illud facere noluerunt, seu etiam non fecerunt, sive sint Barones, sive sint vexillarii, vel milites, aut servientes, similiter compellatis ad solvendum nobis totidem quantum dierum est de singulis supradictis; hoc excepto quod de dictis summis per singulos dies, pro expensis cujuslibet militis VI. sol. paris. & pro expensis Armigeri IV. sol. paris. deducentur. Factam fuit hoc statutum Parisius, in Parlamento Assumptionis beatæ Mariæ Virginis anno Domini MCCLXXIV. mense Septembri.

     On ne peut dire que le mot, de servitute, dont je viens de parler, signifie servitude ou esclavage, sans contredire ouvertement à l’intention du Roy, qui a sans doute voulu accorder aux femelles issu de la famille d’Eude, un privilege considerable: Ce que Sa Majesté n’auroit pas fait, si ces femmes estant de leur naissance, de condition franche, & nobles, fussent devenues serves, & fiscalines, en épousant les Fiscalins de Sa Majesté; de sorte, qu’il faut dire qu’elles affranchissoient, & annoblissoient leurs mari; & c’est en ce sens là, que le Parlement qui est l’organe, & l’interprete des Volontez de nos Rois, a entendu ce privilege, & l’a confirmé par ses Arrests rendus en divers temps du 9. Mars 1516 au profit de Pierre Lucas, & de Petronille Boutet sa femme à cause d’elle: du premier [p.82] Avril 1522. au profit de Claude Besnard, & de Marie Bedeau sa femme, à cause d’elle, & de plusieurs autres en tres-grand nombre, qui sont dans les Archives de cette franchise. Le Roy saint Louis l’a luy-même entendu en ce sens, au Chapitre de ceux qu’il declare exemps du Guet de la ville de Paris en ces termes.
     Toutes les personnes étans de la lignée de Challo saint Mard, dont la femme affranchit le mary, qui sont plus de 3000.
 

   
     Pag. 553.
     En second lieu le Roy Philippe donna aux heritiers d’Eude, & à leurs successeurs, la Châtellenie de Challo, avec le pouvoir de regler les differends, qui n’aîtroient [sic] entre les vassaux de Sa Majesté en la marche1, ou territoire dudit Challo.

     3. Il les exempta de la Justice ordinaire de ses Officiers, & reteint à soy la connoissance de leurs differens, & procez, que ses successeurs commirent depuis aux Maîtres des Requestes de leur Hôtel.

     4. Il les affranchit de toutes Coûtumes qui se levoient pour Sa Majesté, dans toute l’étenduë de son Royaume, c’est à dire, de tous peages, barrages, pontenages, foüages, fourrages, tailles, subsides, & autres charges, que les Rois imposoient sur leurs peuples.
   
     J’ay leu dans les Archives de cette franchise plusieurs Sentences des Requestes de l’Hostel du Roy, & des Arrests du Parlement qui les confirment, rendus en divers temps, au profit des privilegiez, contre divers fermiers des droits cy-dessus mentionnez; & j’en ay deux, l’un du 2 de Janvier 1597. qui confirme une Sentence des Requestes du 25. de May de l’année precedente au profit d’Alexandre Duguesnel, Procureur du Roy en la Châtellenie de la ville de Creil-sur-Oyse, comme issu d’Eude le Maire, par laquelle il est declaré exempt des tailles, taillon, & autres subsides, & dit qu’il sera rayé des Rôles, & que les deniers par luy payez, en vertu des taxes faites à Creil, luy seront rendus. Et par le second Arrest du 31 de May de la même année 1597. les habitans de la même ville de Creil, sont condamnez d’obtenir Lettres d’assiete, pour imposer, & lever sur eux les deniers qu’ils doivent restituer audit Duguesnel: Et qu’à faute de ce faire dans deux ans, quatre des principaux habitans seront contrains en leur propre & privé nom, & par corps, de luy payer, sauf leur recours.

     Enfin le Roy Philippe établit à Estampes une Chambre pour la conservation des titres, & autres choses concernant ce privilege: & de tout temps, il y a eu dans Estampes, quatre particuliers, notoirement issus de cette famille d’Eude le Maire, preposez [p.83] pour veiller à la conservation de ce privilege, & de ses dépendances.

     Favin s’est un peu mépris quand, parlant de ce privilege, au 18. livre de son Hist. de Navarre, il a dit que la Bourgade de Challo, étoit une Chambre Roialle, ou lieu de plaisance de nos Rois. Et il a mal entendu le mot de Camera, qui signifie proprement un lieu vouté, destiné à la conservation des choses pretieuses: D’où vient que le lieu, où l’on conserve les titres & enseignemens des droits du Roy, & de la Couronne s’appelle Camera avec l’adition [sic] Computorum, à cause que l’on y examine les Comptes du revenu du Roy & que l’on y conserve les quittances de tous les payemens faits au nom de Sa Majesté, & de l’Etat. La raison que le Roy rend de 1’établissement de cette Chambre de Challo, à Estampes confirme ce que je dis, parce que, dit-il, ceux de Challo êtans obligez de venir au guet, c’est à dire faire la garde à Estampes, leur chambre y étant établie, ils y feront meilleure garde. Voicy les mots du Privilege.
     Rex vero tunc temporis præcepit famulis suis de Stampis ut custodirent Challo Cameram suam, quia Challo habet custodire Stampas, & earum curam servandarum diligenter habere.

     Favin se trompe encore au même lieu, quand il dit que la riviere, qui passe à Challo saint Mard, s’appelle proprement Juisne; car elle se nomme Loüette: & parce qu’elle passe à Challo, on la nomme Challoüette.
   
     Les gardes de ce privilege ont toûjours eu soin de le faire confirmer par nos Rois: En quoy ils ont eu d’autant plus de peine que ceux qui ont eu les Finances du Roiaume en maniement tâchant par toutes sortes de moiens d’amplifier les revenus de Sa Majesté, se sont souvent efforcez de le faire abolir. Le Roy Philippe de Valois, deputa des Maîtres des Requestes de son Hôtel, lesquels aprés avoir diligemment examiné tous les titres, & des témoins dignes de foy, pour ce qui ne se pouvoit prouver par titres de ce privilege: Ouy le rapport de la vente, & de sa validité, le confirma par Lettres patentes du mois de Decembre 1336. ses successeurs Rois de France l’ont pareillement confirmé. Jean au mois de Novembre 1350. Charles V. surnommé le Sage, au mois d’Avril 1366. Charles VI. au mois de Juillet 13942. Charles VII. en [espace d’un mot3] 1436. Louis XI. en Janvier 1461. Charles VIII. en Octobre 1483. Louis XII. en Septembre 1498. & François Premier en Janvier 1514. Mais depuis comme pour reformer son Etat, il revoqua un grand nombre de [p.84] privileges, qui alloient la foule du peuple; quoy que fissent les ennemis de celuy dont nous parlons, il ne le revoqua pas, il se contenta seulement de le moderer, & de le restreindre, ostant à ceux qui en jouïssaient l’immunité generale qu’ils pretendoient, même pour leur trafic, comme ils en avoient usé auparavant: & leur modifia l’affranchissement des tributs, & subsides, pour ce qui seroit de leur cru, & de ce qu’ils feroient voiturier par eau, & par terre pour leur usage seulement. L’Edit de cette modification du 19. de Janvier 1540. verifié en Parlement le 8. de Fevrier, est de la teneur suivante.
   

     Francois par la grace de Dieu Roy de France, à nos amez & feaux les gens de nôtre Cour de Parlement, Maîtres des Requestes ordinaires de nôtre Hôtel, Prevost de Paris, Bailly de Dijon, & autres nos Officiers, si comme à eux appartiendra, Salut. Comme sous couleur de certain pretendu privilege de feu de bonne memoire le Roy Philippe Premier, aucuns de nos sujets se disans issus, & descendus de la lignée de feu Oude le Maire, dit de Challo saint Mard, se soient par cy devant, & de long-temps, voulu exempter, & affranchir, eux, & leurs biens de tous peages, acquis, barrages, travers, pontenages, & autres droits, & tribus quelconques; tant par eau que par terre, à nous deûs, & autres Seigneurs subalternes, nos vassaux, & sujets, ayans lesdits droits en leurs terres, & Seigneuries: & de ce nous, & nos Officiers, & Fermiers, les ayons de ce gratieusement laissé jouïr, quant aux choses étant de leur crû, ou autres danrées, & marchandises qu’ils auroient fait passer pour leurs provisions, & usage: Et combien que dudit pretendu privilege original il n’apparoisse pas Chartre autentique; mais seulement par une vieille attestation de trois Abbez, qui ont attesté avoir autrefois veu l’Original d’iceluy privilege, & déposent de la teneur, & substance d’iceluy. Combien que quand ledit privilege Original auroit été octroyé, tel que lesdits trois Abbez l’attestent, si ne porte-il quant à ladite exemption, & franchise, clause de plus grand effet, sinon que lesdits hoirs descendans dudit Oude le Maire, ne payeront aucun tribut en toute nôtre terre, qui sont les propres mots de la teneur dudit privilege, telle qu’elle est portée par ladite ancienne attestation. Lesquels mots combien qu’ils se doivent entendre, & prendre leur interpretation du droit humain, & raison conscripte, peuvent étre entendus de ce qui serait de leur crû, & de ce qu’ils feroient passer, transporter, & voiturer, pour leur provision, & usage, comme dit est: Ainsi que tous tels privileges de non payer gabelles, vectigaulx, ou peages, par nous, ou nos predecesseurs octroyez, tant amples qu’ils soient, & à [p.85] telles personnes que ce soit, même de nos Secretaires, & de la maison de France, & à leurs veuves, s’entendent, & se pratiquent; & non pas de ce qu’ils feroient passer pour cause de negociation, & marchandise, dont ils feroient fait, & train ordinaire: Neanmoins lesdits eux disans descendus dudit Oude le Maire de Challo saint Mard, en abusant dudit privilege, & le voulant étendre plus qu’il ne doit être, se seraient voulu par cy-devant exempter de tous acquits, peages, & tributs à nous dûs, non seulement pour le regard de ce qui est de leur crû, ou de ce qu’ils feroient passer, & achetter pour la provision de leurs maisons & usage: mais außi pour raison des danrées, & marchandises qu’ils font mener, & passer par nos détrois, & de nosdits vassaux, exerçans fait de negociations, & trafic: & de ce dient avoir obtenu Sentence des Maîtres des Requestes ordinaires de nôtre Hôtel, en leur Auditoire à Paris, & Arrest ou Arrests de nôtredite Cour de Parlement, ce qui tourneroit, & pourrait cy-aprés tourner à nôtre grand dommage, & diminution de nos droits, & de nos fermes. Mêmement pour ce que sous la franchise dudit privilege, ainsi usurpé, & entendu, tous les descendans dudit Challo saint Mard, se rendent, & sont rendus ordinairement par cy-devant, marchands, faisans fait, & train ordinaire de marchandise de vin, sel, hareng, pastel, avoine, pois, & autres marchandises de gros acquit, lequel ils gagneroient, & rependraient sur nôtre peuple: car ils ne vendent lesdites denrées, & marchandises à moindre prix que autre Marchand de nôtre Roiaume, qui acquitte, & s’est trouvé marchand, soy disant de ladite lignée, qui pour un coup, passe douze, ou treize cent muids de vin, sans rien payer ne acquiter, sous couleur dudit privilege pretendu: Et attendu außi que les descendans des descendans dudit Oude le Maire, soient fils, ou filles, mediatement, ou immediatement, par branches & descentes, tant multipliées, & loingtaines, que ce puissent être jouïssent, & se pretendent devoir jouïr dudit privilege, qui seroit, & pourroit être cause, que par succeßion de temps, ladite lignée seroit tant multipliée, comme elle l’est depuis ledit temps de Philippe Premier, que la plus grande partie des Marchands de nôtredit Roiaume, referans leur genealogie audit Challo saint Mard, seroient francs & exempts de tous peages, travers, acquits, & coutumes, & que nos Fermiers desdits peages, qui sont le vray domaine de nôtre Couronne en souffriroient merveilleuse, & interolerable diminution. Ioint qu’avons été avertis, que lesdits, eux disans de ladite descente, & lignée, ne le preuvent que par attestation sommaire, & non par bonnes, & suffisantes enquestes, & preuves legitimes. SÇAVOIR faisons que nous [p.86] desirans de tout nôtre cœur la conservation de nôtre Domaine, & ne vouloir nos sujets abuser des dons, franchises, libertez, privileges à eux, ou aucuns d’eux octroyez, & confirmez par nous, & nos predecesseurs Rois, ny sous couleur d’iceux usurper sur nos droits, & iceux privileges amplifier, & étendre par quelque jouïssance, tolerance, ou entreprise que ce soit, avons declaré, & par ces presentes declarons, voulons, & nous plaît, que ceux qui par legitimes documens, ou suffisans témoignages judiciaires se prouveroient être descendus dudit Oude le Maire, dit de Challo saint Mard, jouïssent doresnavant de la dite franchise, & exemption, selon leurdit privilege, & termes d’iceluy; C’est à sçavoir quant ce qui sera de leur crû, ou qu’ils feront voiturer par eau, ou par terre, pour leur usage, & provision de leurs maisons, sans fraude, dont ils seront tenus de laisser un billet, ou apodice, és lieux où se leveront lesdits peages, par lequel telles denrées ou marchandises passent tant seulement: Et non quant aux autres biens, & denrées, dont ils trafiqueroient, ou feroient fait de marchandise, pour lesquels nous voulons qu’ils soient tenus acquitter & payer lesdits peages, travers, coûtumes, pontenages, & autres droits, tant par eau, que par terre, à nous, & nos vassaux, Seigneurs, deûs, chacun en ses détroits, comme les autres Marchands de nôtre Roiaume, non privilegiez. Que si aucun procez doresnavant, se meut pour raison desdits peages, & exemption entre lesdits de Challo saint Mard & nos Fermiers, Receveur, Procureur, prenant la cause pour nosdits Fermiers, nosdits vassaux, & Seigneurs subalternes, vous procediez au jugement d’iceux, jouxte, & selon nôtre presente Declaration, nonobstant quelconques posseßion, & jouïssance, ou tolerance, que lesdits de Challo saint Mard, voudroient, ou pourroient alleguer, qui seroit plûtost usurpation que legitime posseßion: Attendu que ledit privilege, & confirmation d’iceluy n’en parle point: Nonobstant quelques Sentences, jugement, ou Arrest, qu’ils auroient sur ce, par cy-devant obtenu, à l’encontre de nos Fermiers ou Procureurs prenans la cause pour eux. Mêmement s’ils avoient été donnez Nôtre Procureur General oüy, autrement, ou autre cause quelconque contraire à l’effet de ces presentes, que ne voulons nuire, ny prejudicier à nôtredit Procureur General, ausdits Fermiers, ne à nôtredit Domaine, nous les avons mis, & mettons par ces presentes, du tout au neant, de nôtre certaine science, pleine puissance, & autorité Royale: Mémement pour le regard de l’execution d’iceux pour l’avenir, demeurant l’execution faite par le passé, si faite a été en sa force, & vertu. Car ainsi nous plaît-il être fait, nonobstant comme dessus. Donné à Fontaine-Bleau le dixiéme jour de Ianvier l’an [p.87] de grace M. CCCCCXL. & de nôtre regne le xxvii. Sic signatum, par le Roy en son conseil, Bayard.
     Lecta, publicata, & registrata, audito Procuratore Generali Regis hoc requirente, Parisiis, in Parlamento, octava die Februarii anno Domini MCCCCCXL. Sic signatum, de Vignolles.

 
     Depuis cet Edit, ou Declaration du Roy, les descendans d’Eude le Maire jouirent paisiblement de leur privilege suivant cette modification jusques en 1575. que le President Brisson, en haine de ce que les habitans d’Estampes, qui l’étoient allé visiter en sa maison de Gravelle, ne luy avoient pas rendu tout l’honneur qu’il desiroit, le fit revoquer. Neanmoins cette revocation ne fut qu’une espece de suspension de l’usage; car dix ans aprés le Roy Henry III. le fit revivre. Monsieur Despaisses Advocat General discourut des causes, & de la dignité de ce privilege, & fit voir qu’il ne devoit point être aboly. Henry IV. successeur d’Henry III. le confirma aussi, l’année de son heureux avenement à la Couronne: & depuis, luy-même aprés l’Assemblée generale des Notables tenue Rouen l’an 1598. où il fut long-temps contesté quel rang on donneroit entre les membres de l’Etat, aux descendans d’Eude le Maire: Quelques-uns leur attribuant certaine marque de Noblesse: d’autres les mettant au nombre des Commensaux de la maison du Roy: & d’autres les rengeant au nombre des exempts des Tailles, & d’autres subsides, l’abolit entierement, en faisant ajoûter, contre l’avis de l’Assemblée, à 1’Edit General qu’il fit pour la reformation des exemptions entre les cottisables, ceux de la lignée de Challo saint Mard. Les Gardes de la franchise, ne manquerent pas de s’opposer à la verification de cet Edit, & de répondre pertinemment aux motifs de cette suppression, qui étoient 1. qu’il y avoit trop grand nombre de personnes qui en jouïssoient. 2. qu’il s’y commettoit de l’abus. 3. qu’il étoit trop vieil, & ancien, & que les enfans d’Eude le Maire, devoient se contenter d’en avoir si long-temps jouy, sans en demander une plus longue continuation: Car ils faisoient voir par leurs registres, qu’il n’y avoit dans toute la France que 253. personnes reconnues être de la famille d’Eude le Maire: Et par les procez verbaux des Commissaires, que le Roy avoit envoyé [sic] par les Provinces cette même année 1598. pour la revocation des exemptions que de ces 253. personnes, il ne s’en étoit trouvé que quinze qui jouïssaient de l’exemption des tailles en vertu de leur privilege. Au second ils disoient que s’il y avoit de l’abus en des particuliers, il étoit facile de le corriger, sans condamner [p.88] pour cela le general. Et au troisiéme que la vieillesse, & l’antiquité de ce privilege le rendoit plus venerable, & devoit d’autant plus porter à l’entretenir, & le conserver que c’étoit un témoignage continu de la pieté & de la Justice de nos Rois. Mais enfin nonobstant toutes ces remontrances: La Cour de Parlement, aprés plusieurs, & exprés commandemens de Sa Majesté l’an 1602. verifia l’Edit de l’entiere, & derniere suppression de ce beau privilege, aprés avoir duré 517. ans.

     Les Armes d’Eude le Maire, selon l’ancienne tradition, étoient de gueules, bordé d’or, à l’écu d’argent en abysme, chargé d’une fueille de chêne de sinople. Le Roy voulut aprés son retour de la Terre-Sainte, qu’il les écartelast des armes modernes de Jerusalem, (pour donner sujet d’enqueste) qui sont d’argent à la croix potencée d’or, cantonnée de quatre Croisettes des mêmes armes. Ces armes ainsi cantonnées, & écartelées ont demeuré jusqu’aujourd’huy aux descendans d’Eude le Maire: & c’est ce qui leur reste de tout leur privilege.

     Pour être relevé, & jouïr des exemptions de cette franchise, il falloit s’adresser & presenter Requeste à Messieurs les Maîtres des Requestes de l’Hôtel du Roy, Juges en premiere Instance, & Conservateurs établis par nos Rois de cette franchise, lesquels donnoient leur commission adressante aux Maîtres, & Gardes d’icelle Estampes: Ensuite de quoy les Gardes décernoient leur commission au même suppliant, pour faire appeler des témoins, & faire sa preuve devant eux, tant par témoins, que par titres de sa genealogie au jour qu’ils luy assignoient; dont aprés ils délivroient un acte en la forme suivante, signé de leur Greffier la Franchise.

     Veu par nous N. N. Bourgeois demeurant à Estampes, Gardes, Iurez, & établis pour regir, garder, & gouverner les droits, statuts, franchises, libertez donnez, & octroyez par les Rois de France, à deffunt Eude le Maire de Challo saint Mard, & à toute sa posterité, consanguinité, & ligne. La Requeste à Nous presentée par N. par laquelle, il nous auroit remontré qu’il étoit fils légitime de deffunts N. N. ses pere & mere, & requis luy être par nous permis nous administrer témoins pour justifier qu’il est issû des susdits ses pere & mere, & de nous réponduë le [espace d’un mot] jour de l’information par nous faite en consequence de ladite Requeste, par laquelle aurions oüy [espace d’un mot] témoins dignes de foy, non suspects ne favorables; par la déposition desquels, ensemble par l’acte approbamus dudit deffunt N. son pere, passé devant N. nous sommss [sic] deuëment informez, que ledit N. est fils legitime, & naturel [p.89] desdits N. N. ses pere, & mere, & qu’à ce moien, ledit N. & tous ses enfans nez, & à naître, en loyale mariage, peuvent jouïr, & user desdits droits, franchises, & libertez, donnez, & octroyez par les Rois de France, audit défunt Eude le Maire de Challo S. Mard, & à ceux de sa posterité, consanguinité, & ligne, selon & ainsi qu’il est contenu, & declaré és Chartes, faisant mention desdites franchises, dont luy en avons octroyé ces presentes, pour luy servir d’approbamus, ainsi qu’il appartiendra, qu’avons signé de nos mains en la salle de l’Hôtel, & Maison de Ville d’Estampes le [espace d’un mot] jour de [espace d’un mot] lequel present Acte sera délivré par nôtre Greffier en ladite franchise.

     Le suppliant se retiroit avec cet Acte vers Messieurs les Maîtres des Requestes ordinaires de l’Hôtel du Roy, lesquels en consequence de cet approbamus, luy faisoient délivrer leurs Lettres de Committimus, de la teneur suivante.

     Les Maîtres des Requestes ordinaires du Roy, Commissaires en cette partie, au premier Huißier, salut. Comme de long-temps Philippe Roy de France, pour l’amour, reverence, & honneur du saint Sepulcre d’Outremer, auquel il s’étoit voüé, eût envoyé pour faire ledit voyage un nommé Eude le Maire, son serviteur, & familier: Et pour le recompenser eût liberalement octroyé ausdits Eude le Maire, sa femme, & ceux de leur posterité, nez, & à naître, privilege qu’ils fussent francs, & exempts de tous peages, barrages, ports, passages, placeages, entrée de vin, huitiéme, douziéme, vingtiéme, taille, taillon, fortifications, criées, empruns, travers, coûtumes, boües, chandelles, gardes, droits d’entrée, gabelle, & de tous autres droits dominiaux levez, & à lever, & de toutes autres charges & servitudes quelconques: leurs privileges par les Rois de France ses successeurs, depuis confirmez. Et parce qu’aucuns Fermiers, Receveurs des droits, Collecteurs de Tailles, Taillon, & autres personnes, depuis ledit privilege, auroient voulu travailler, comme de fait ont travaillé les descendans de ladite lignée d’Eude le Maire, tant en leurs biens, denrées, & marchandises, qu’autrement, & même les assujettir, & charger de tutelle, curatelle, commißions, & autres charges, faisant prejudice audit privilege: Nous eußions lors été deputez, & ordonnez Commissaires, Gardiens, & Conservateurs desdits privileges, & Iuges pour connoître, juger, & terminer de toutes questions, procez, & debats, qui pourroient soudre au moyen, & pour raison d’iceux, ainsi que de tout temps il nous est apparu par Lettres de Chartes, & autres, qui sont enregistrées es Greffes, & Ordonnances de la Cour. Dautant que N N fils legitime, & naturel de défunt N. N. ut ont été reconnus, & approuvez [p.90] être issus, & descendans de la ligne & posterité dudit Eude le Maire de Challo saint Mard par acte: Et pour ce capable de joüir, & user plainement, & paisiblement desdits droits, franchises, & libertez, données, & octroyées par les Rois de France audit Eude le Maire, & toute sa posterité, & ligne, se seroit retiré par devers nous, & requis; attendu que nous sommes Iuges deleguez pour lesdits privileges, luy vouloir sur ce pourvoir de remede convenable: Aprés qu’il nous est apparu desdits privileges, confirmations, & approbations cy-dessus: Nous vous mandons, & enjoignons, qu’a la requeste dudit N. N. vous ayez à faire inhibitions, & deffences de par le Roy, & nous, à tous peagers, Fermiers, & autres qu’il appartiendra. Le reste est seulement du style du Commitimus ordinaire.
 
     C’est donc avec raison que le privilege accordé à Eude le Maire, & à sa posterité, a été appellé par Antonomasie la franchise, puisque par son moyen l’on jouïssoit de tant d’exemptions. Sans qu’il soit besoin d’y ajoûter que sa maison servoit d’azile aux accusez, & à ceux qu’on poursuivoit en justice, comme Favin l’a dit au 18. Liv. de son Hist. de Navarre, mais avec d’autant moins de fondement, qu’il n’en est point parlé, ny dans la Charte du privilege, ni dans les confirmations que j’ay toutes leuës: & qu’il ne reste aucune memoire du lieu où la maison d’Eude le Maire étoit située à Estampes; ce qui vrai-semblablement ne se seroit pas oublié. Car la boucle de fer, qui est attachée à hauteur d’homme, dans la muraille, entre la maison du Lion d’or, & celle qui en est voisine du côté de Paris, sur la grande ruë saint Jacques, n’est pas la marque de ce pretendu azile, comme le vulgaire le fait entendre, mais d’une justice appellée de la Boucle qui s’exerçoit autrefois en ce lieu-là, comme je l’ay cy-devant remarqué.

     La plus part de ceux qui paroissent aujourd’huy par les registres, & autres titres de la franchise, que j’ay veus être issus d’Eude le Maire, rapportent leur extraction à la famille des Chartiers, laquelle l’on assure tirer son origine d’Alain Chartier, Fiscalin du Roy Philippe Premier, & de Tifaine le Maire sa femme, fille d’Eude. Cette famille s’est fort étendue dans toute la Province de Beausse, dans les villes d’Orleans, de Paris, d’Estampes & aux environs. Le College de Boissi fondé à Paris derriere saint André des Arts, l’an 1359. a eu pour Fondateurs deux de cette famille, Godefroy, & Estienne Chartier, oncle, & neveu, originaires du village de Boissy le Sec, du Bailliage d’Estampes. Il y a dans ce College un Recteur, ou Principal, un Chapelain Prestre, pour celebrer tous les jours la [p.91] Messe en la Chapelle: Et douze écoliers étudians, trois en Theologie, trois en Decret, trois en Logique, ou Philosophie, & trois en Grammaire. Le R. P. Prieur de la Chartreuse de Paris en est le perpetuel Collateur, Protecteur, & Visiteur, avec le Chancelier de l’Eglise de Nôtre Dame de Paris, & l’on y doit élire pour Principal un de la lignée, comme il est remarqué par les Vers suivans, écrits en lettres d’or, sur un marbre noir, posé dans la Chapelle, proche la porte.

        Sacrorum Canonum Doctor, clarusque Sacerdos,
                  Nomen cui à Chartis, forsitan quadriga.
        Octoginta annos, medico sine, plùs minùs egit,
                  Integer auditu, dentibus atque oculis.
        Omnia, aut nil jurans, semperque abstemmius, ergo
                  Cælum animam, cineres una nepotis habe
        Ædibus his Præses fundatum è stirpe, sacellum hoc
                  Struxerat ære suo, & plura daturus obit.
 


    1 Fleureau interprète ici le terme de marchiam qui est dans son texte, assez pauvrement, par territoire. Voir notre note.
    
    2 Lisez 1384, du moins selon Maurice Prou.

    3 Maurice Prou ne donne pas le mois non plus, qui doit manquer dans le texte de ce vidimus.


Source : Corpus Etampois  

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