Paul Castéra
Né le 25 octobre 1880 à Carresse (Basses-Pyrénées, aujourd'hui Pyrénées-Atlantique), Paul Castéra a 34 ans lorsqu'éclate la première guerre mondiale. Fils de Jean-Baptiste Castéra et Marie Ninette Cazot, il est le troisième d'une famille de sept enfants. Son père meurt à 39 ans le 1 janvier 1888, alors que Paul n'a que sept ans. Sa plus jeune soeur Léa-Jeanne naît près de huit mois après le décès de son père Jean-Baptiste.
Appartenant à la classe 1899, il a le numéro 70 au tirage au sort du canton de Salies. Le service militaire, d'une durée de 3 ans depuis la loi du 17 juillet 1889 (d'un an si on a eu de la chance au tirage au sort), à un rôle social important à cette époque. La plupart des citoyens, issus de milieux ruraux, découvrent des techniques auxquelles ils n'ont pas accès dans la plupart des campagnes : par exemple la découverte de la ville, de l'eau courante, des machines non agricoles, d'un régime alimentaire différent, de vêtement plus modernes ... Cela permet de renforcer la cohésion sociale en permettant aux soldats de découvrir d'autres moeurs que celles de leurs régions, et même parfois d'apprendre le français en plus des patois ou langues locales.
Jean-Baptiste, le père de Paul, avait lui-même beaucoup voyagé au cours de son service militaire. Il avait devancé l'appel et avait été incorporé le 15 juin 1869 dans le 1er Régiment du Génie. Il a fait la campagne contre l'Allemagne entre le 17 juillet 1870 et le 16 avril 1871, puis après sa démobilisation le 1 juillet 1874 (le service militaire était alors de cinq ans), passé dans la réserve, il accompli une période d'exercice au 18ème bataillon du génie à Montpellier, du 11 octobre au 6 novembre 1876. Son service militaire l'a donc entrainé loin de son Béarn natal !
Cultivateur lors de la naissance de ses premiers enfants, Paul est jardinier lors de son incorporation le 15 novembre 1901.
Ses états de services militaires indiquent son signalement :
- Taille : 1,65 m
- Visage ovale, menton rond, bouche moyenne, nez fort, cheveux chatain foncé, yeux chatain foncé
- Degré d'instruction générale : 3 (ce qui correspond à une "instruction primaire plus développée")
Passé soldat de première classe le 4 août 1903, pendant son service militaire, Paul est envoyé dans la disponibilité le 18 septembre 1904. Il passe dans la réserve de l'armée active le 1 novembre 1904.
Rappelé pour des périodes d'exercice dans le 18ème Régiment d'Infanterie entre le 21 août et le 17 septembre 1907, puis pour une seconde période entre le 29 mars et le 11 avril 1911, toujours au 18ème RI, il passe ensuite dans l'armée territoriale le 4 septembre 1914.
Paul se marie le 21 avril 1908 à Salies-de-Béarn avec Marie-Louise Darrigrand, où ils ont cinq enfants : Jean-Baptiste Pierre Etienne (né le 21 mai 1909), Pauline Ninette Emilie (née le 4 avril 1910), Jeanne Marguerite Eugénie (née le 25 mai 1911), Julien Henri Roger (né le 9 juin 1912) puis Simone Adèle (née le 30 juin 1913). Marie-Louise est enceinte d'un 6ème enfant en 1914, mais elle fait une fausse-couche. La famille réside à Baigt-de-Béarn, maison Laboudigue, au moment de la mobilisation de Paul, qui est alors cultivateur et jardinier.
Rappelé dans le cadre de la mobilisation générale le 2 août 1914, il arrive à son corps d'affectation le 9 septembre, puis est envoyé aux armées le 10 octobre 1914.
Son beau-frère Henri Darrigrand, d'un an son cadet, avait pu surseoir à son service militaire en tant que fils ainé chargé de ses cadets orphelins : Pauline Castéra, leur mère, était décédée à 25 ans le 26 mars 1888, alors qu'Henri avait 6 ans et Marie Louise 4 ans. Puis leur père Pierre Darrigrand meurt à son tour le 20 juillet 1894, alors qu'Henri avait 12 ans et Marie Louise 10 ans. Leur tutrice est leur tante Zéline Castéra, soeur cadette de Pauline. Henri est en charge de ses quatre soeurs cadettes. Il est malgré tout incorporé le 14 décembre 1902, et passe soldat de 1ère classe le 29 juin 1903. Il effectue ses périodes d'exercices militaires au 18ème RI, aux mêmes dates que Paul. Il est ensuite mobilisé le même jour que Paul, et arrive à son corps d'affectation le 24 septembre 1914.
En août 1914, le 18e R.I. est d’abord engagé en Lorraine, puis il participe aux batailles de Charleroi et de Guise avant de faire retraite. Début septembre, il prend part à la contre-offensive (première bataille de la Marne) et parvient sur les pentes du Chemin des Dames le 13 septembre 1914.
De la mi-septembre 1914 à avril 1916, le régiment est en ligne dans le secteur est du Chemin des Dames (Oulches, Vassogne, La Vallée-Foulon) avec des périodes de repos à Beaurieux et à Glennes. Il participe à la première bataille du Chemin des Dames, c'est là que Paul et Henri le rejoignent (cf les extraits des Journaux des Marches et Opérations du 18ème Coprs d'Armée, de la 36ème Division d'Infanterie et de la 72ème Brigade d'Infanterie, pour la période durant laquelle Paul a combattu (de début octobre 1914 au 25 janvier 1915).
Des tentatives de percée du front ennemi, entre Cerny et Craonne sont tentées du côté allemand du 26 au 29 septembre, puis côté français le 30 septembre et du 12 au 14 octobre, sans résultat décisif. Les deux armées ont déjà subies des pertes importantes.
Dans la première quinzaine du mois d'octobre, les trois corps d'armée britanniques intercalés entre la 6e armée française à l'ouest et la 5ème armée à l'est sont progressivement relevés par des troupes françaises.
Le 29 octobre, les Allemands lancent une attaque en direction de Vailly-sur-Aisne qui leur permet en quelques jours d'occuper le bourg et de franchir l'Aisne mais ils ne peuvent dépasser le canal.
Du 6 au 13 novembre, une dernière tentative française de reprendre le plateau entre Ostel et Braye se heurte à une vive résistance allemande à La Cour-Soupir et à Chavonne.
Depuis l’automne 1914, les Allemands sont maîtres de tout le plateau du Chemin des Dames à l’exception d’un petit secteur autour des fermes d’Hurtebise et de la Creute. C’est l’objectif de l’attaque allemande qui débute le 25 janvier 1915 et dont le succès est d’une importance stratégique capitale pour la suite de la guerre sur le Chemin des Dames.
Après une courte mais intense préparation d’artillerie avec 150 canons et 11 minenwerfer qui pilonnent un secteur de 500 mètres de large, l’assaut commence à 14 heures (heure française).
Il est mené principalement par des troupes saxonnes : au centre, le 103ème Régiment d’Infanterie (I.R. 103), à gauche autour de la ferme d’Hurtebise le 102ème régiment (I.R. 102), et à droite vers l’arbre de Paissy, un régiment mixte composé de deux bataillons du 159ème régiment prussien et d’un bataillon saxon.
Dès 14 h 30, les soldats allemands ont atteint le rebord du plateau dominant la vallée de l’Aisne.
Des soldats du 18e Régiment d’Infanterie sont assiégés dans la carrière de la ferme de La Creute (actuelle Caverne du Dragon) où ils avaient trouvé refuge. Ils finissent par se rendre le lendemain vers 2 heures du matin.
Des combats se poursuivent dans la journée du 26 janvier, autour de la ferme d’Hurtebise défendue par le 34ème Régiment d’Infanterie et à l’ouest de la ferme de la Creute avec le 6ème Régiment d’Infanterie.
Le 27 au matin, les Allemands sont maîtres de la totalité des anciennes positions françaises sur le plateau du Chemin des Dames. Cette victoire allemande est fêtée en Allemagne sous le nom de « Bataille de Craonne » par référence à la bataille qui s’était déroulée le 7 mars 1814 entre les soldats de Napoléon Ier et les troupes russes de l’armée de Blücher.
Les combats des 25 et 26 janvier 1915 ont été particulièrement meurtriers : plus de 2 000 tués (au moins 850 Allemands, peut-être 1 500 Français) en deux jours, et 1 100 Français ont été faits prisonniers.
Paul fait partie des victimes de cette bataille : il est déclaré disparu le 25 janvier 1915 à Craonne. Un secours de 150 francs est accordé à sa veuve le 3 novembre 1916, il est déclaré "Mort pour la France" par un jugement du tribunal d'Orthez en date du 17 septembre 1920. Ses enfants sont déclarés pupilles de la nation.
Henri a survécu à cette bataille. Devenu caporal le 25 septembre 1915, il poursuit la guerre avec le 18ème RI. Il participe avec son régiment à l'offensive de Nivelle en 1917, puis est finalement tué à l'ennemi le 29 mai 1917 à Craonnelle. Il est inhumé au cimetière de Craonnelle.
D'autres membres de cette familles périssent dans le conflit : un lointain cousin de Paul et Henri, Elie Louis René Castéra (Mort pour la France le 14 mai 1915 à l'Hôpital de Nancy, incorporé au 57ème RI), ainsi que des cousins germains de Paul : Léon Castéra (tué à l'ennemi le 8 septembre 1914 à Marchais, dans l'Aisne, du 49ème RI), Elie Jean-Baptiste Moncaut-Cazot (mort au combat le 6 mai 1917 à Craonne, dans le 218ème RI), Pierre Paul Moncaut-Cazot (tué à l'ennemi le 9 décembre 1914 à Perthes les Hurlus, dans la Marne, dans le 83ème RI).