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Une charte du onzième siècle : le privilège d'Eudes le Maire et sa descendance (1915)

BULLETIN ARCHEOLOGIQUE
Historique et artistique
de la Société d'archéologie
de Tarn et Garonne

Tome XXXXV - année 1915

p. 77 à 85

Une Charte du onzième siècle

LE PRIVILÈGE D'EUDES LE MAIRE ET SA DESCENDANCE

d'après des documents authentiques

communiqués par M. G. DUBOIS - GODIN

Membre de la Société archéologique


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On a beaucoup écrit sur le privilège d'Eudes Lemaire et il existe aux Archives nationales de nombreux documents sur ce sujet.
« L'histoire fameuse d'Eudes Le Maire, dit le Père Montfaucon dans ses Monuments de la Monarchie Française a été contée tout au long dans Pasquier (1), Loisel (2), Choppin et autres. » Pour racheter ses fautes Philippe 1er avait fait le,vœu d'aller en pèlerinage au Saint-Sépulcre à pied, armé et un cierge à la main. Lorsque la peur du feu de l'enfer se fût amoindrie, le bon Roi réfléchit que la route était longue et peu sûre, ses armes bien lourdes et qu'il lui serait bien difficile de tenir en main un cierge allumé sans qu'il s'éteignit. Les années s'écoulaient et il ne réalisait pas son vœu. Il regrettait de l'avoir fait et n'osait pas cependant le rompre. Il devint alors sombre


(1)    Pasquier, jurisconsulte né à Paris en 1526, fût nommé Avocat général à la Chambre des Comptes par Henri III en 1585.
(2)    Loisel, jurisconsulte né à Beauvais en 1635. — Le Père Montfaucon était né à Limoux en 1655.

 

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et silencieux. On crût à un malaise passager, mais son chagrin augmentant au contraire de jour en jour, sa santé s'altéra. La reine s'en alarma. Elle employa auprès du Roi tous les moyens de persuasion pour connaître la cause de ce mal. Le Roi découvrit alors à la Reine son vœu et le regret de l'avoir fait. Vous voilà bien empêché, lui dit-elle, que n'envoyez-vous quelqu'un à votre place? moyennant des aumônes à l'Eglise, cela se pratique souvent ainsi. Adressez-vous aux moines l'un d'eux se chargera de périgriner pour vous. On y alla du même temps. Le roi ne doutait pas qu'il ne s'offrit dix moines pour un pour aller à Jérusalem à sa place. Mais les moines répondirent qu'il ne leur convenait d'endosser l'armure que pour la défense des biens de l'Eglise, que d'ailleurs de mémoire de moine on n'avait mis en voie un clerc pour courir si loin à pied et sous le harnais. On envoya alors proposer la chose sous main à des nobles et à des chevaliers, tous refusèrent, on s'adressa à de simples écuyers, aucun ne se laissa séduire par les offres du Roi. Ce dernier devint de plus en plus hargneux et colère. Il maltraita la Reine, et les grands qui n'en pouvaient mais ; ceux-ci le rendirent à leurs officiers, à leurs femmes à leurs servantes qui se rejettèrent sur les gens de service, lesquels se vengèrent à leur tour sur les oiseaux, les chevaux et les chiens.
La chose s'ébruita et parvint aux oreilles d'un gentilhomme noble, mais pauvre dont les pères avaient été ruinés par leurs voyages en Palestine. Possesseur pour tout bien d'une tour, haute, forte et décorée de son blason, mais si étroite qu'à grand peine sa nombreuse famille y trouvait-elle un gîte, et d'un champ tout couvert de chardons et de ronces, il s'en vint trouver le Roi. Sire, dit-il, je viens pour vous rendre la santé. Et que feras-tu pour cela, demanda Philippe ? Je mettrai ma cotte et mes brassards, mes cuissards et mes grèves, et m'en irai offrir au Saint-Sépulcre les armes de votre Majesté, à pied et un cierge allumé dans la main.
« Le Roi accepta l'offre..En récompense il accorda à Eudes Le Maire un privilège d'exemption de toutes impositions, tributs, ayades, payages, barrages, entrées, sorties,quatre huitièmes, douzièmes, vingtièmes et autres droits subsides quel-[conques]
 
 
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[quel]-conques. En outre noblesse et franchises étaient transmises par toute sa race de l'un et de l'autre sexe.
« Eudes Le Maire partit à pied offrir les armes du dit Seigneur Roi au Saint-Sépulchre un cierge à la main. Il plaça son fils et ses cinq filles sous la protection du Roi. Son voyage dura deux ans. Son fils Ansolde et ses cinq filles eurent une nombreuse postérité. Les filles qui en descendaient étaient extrêmement recherchées même sans dot, car elles apportaient la noblesse à leurs enfants de l'un et de l'autre sexe. Le nombre en devint si grand que François Ier fit une ordonnance en 1540. où il déclarait que les descendants de Eudes Le Maire de Chalo Saint-Mars jouissaient de leur privilège à l'égard de ce qui se lèverait sur leurs fonds, mais qu'ils seraient tenus d'acquitter tous les péages. Henry III restreignit encore ces prérogatives, et enfin Henri IV effrayé de la multiplication prodigieuse de cette famille : « Ventre saint-gris, dit-il, tous ces Chalo nous réduiront à la besace. Ainsi que notre mère Eve, ils couvriront bientôt toute la terre. » Alors il exigea des descendants des preuves d'origine dont la production devint souvent impossible.
Dans le Journal des Demoiselles paraissait en 1834 sous la signature de Mme Pièt une relation de l'histoire d'Eudes Le Maire sous une forme enjouée, pleine d'humour. Le fond du récit était d'une authenticité indiscutable, mais était agrémenté pour le plus grand intérêt du lecteur de détails quî en faisaient un véritable conte de Fées.
Ce qui est certain, c'est qu'un privilège des plus étendus fût accordé à Eudes Le Maire par Philippe Ier. En 1336, Philippe VI de Valois en donna confirmation par un diplôme royal, et tous ses successeurs après lui le confirmèrent. En 1540, François Ier fit une ordonnance pour restreindre ces privilèges, puis Henry III et enfin Henry IV en 1601. Toutes ces ordonnances sont mentionnées dans les Monuments de la Monarchie Française, par le P. Montfaucon.
« Cette lignée dès le XVI° siècle avait des représentants dans tout le royaume: Ceux de Paris s'organisèrent en communauté, élurent un syndic annuel de la « franchise », portèrent
 
 
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des armoiries (1), figurèrent dans certaines cérémonies, intentèrent et soutinrent des procès. Ils furent assez puissants pour lutter contre le roi lui-même, lorsqu'on voulut examiner d'un peu près l'origine de leur privilège très onéreux pour le trésor et le restreindre. »
Il existait à Etampes un registre spécial sur lequel étaient couchés tous les descendants d'Eudes Le Maire; après confirmation de leur privilège par Philipe VI de Valois en 1336, cette famille fit peindre et appendre dans l'église Saint-Pierre d'Etampes un tableau représentant Eudes Le Maire, sa femme, son fils et ses cinq filles devant le roi Philippe Ier qui remet à Eudes la charte contenant ses privilèges.
En 1597 et 1601 cinq arrêts du Conseil d'Etat déboutèrent plusieurs familles de leurs prétentions à descendre d'Eudes Le Maire.
On trouve, en effet, dans le Recueil des Arrêts du Conseil d'Etat (René Valois) déposé à la Bibliothèque de Montauban, .2 vol.) :
T. I. n° 3608 — Arrêt déclarant contribuable aux tailles Me Alexandre du Quesnel, procureur du Roi à Creil, nonobstant sa prétendue descendance d'Eudes Le Maire de Chalo Saint-Mars (10 mars 1597).
N° 6322 — Arrêt condamnant Jérôme Trossart, habitant de Chartres à contribuer aux impôts dont il se prétend exempt comme descendant de Eudes Le Maire de Chalo Saint-Mars (1601).
N° 6767 — Projet d'arrêt ordonnant aux prétendus descendants d'Eudes Le Maire de comparaître pour se voir condamner au paiement du sol pour livre levé sur les denrées et marchandises rentrant à Paris (1601 ).
N° 9398 - Arrêt renvoyant à la Cour des Aides le procès pendant entre les fermiers du nouvel impôt de 20 sols par muid de vin entrant au bourg de Chartres, et plusieurs prétendus des-[cendants]

(1) De Jérusalem d'argent à la croix potencée, accompagnée de 4 croisettes de même à enquerre écartelée de sinople à l'écu de gueule chargé d'une feuille de chêne d'argent à la bordure d'or.


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[des]-cendants de Eudes Le Maire dit Chalo Saint-Mars (1601). (Recueil des Arrêts du Conseil d'Etat. René Valois. — Bibliothèque de Montauban, 2 vol., règne de Henri IV compris);
Jusque en 1625 les Gedin avaient joui de la franchise comme descendants d'Eudes Le Maire, mais à cette date ils furent imposés par les Capitouls de Toulouse. Camp Godin dût se retirer par devant les officiers de la ville d'Etampes spécialement chargés de connaître de la qualité des descendants de Eudes Le Maire.
Lorsque après preuves suffisantes, il eut été déclaré par eux par acte du onze février de la même année, issu de la dite lignée, il adressa au Roy une supplique pour qu'il fût admis à demander cassation de la cotisation et imposition aux charges ordinaires et extraordinaires faite par les Capitouls de la ville de Toulouse.
L'ordonnance royale dont la copie textuelle suit, fût alors rendue à Toulouse la même année 1625.

Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à nos amés et féaux Conseillers les gens tenant notre Cour de Parlement en Toulouse, salut. — Reçu avons l'humble supplication de notre amé Camp Godin, de notre dite ville de Toulouse, contenant que par lettres patentes de notre prédécesseur roi Philippe Ier concédant à feu Eudes Lemaire sire de Chalo Saint-Mars, en récompense du pèlerinage qu'il fit au Saint-Sépulchre pour y offrir les armes du dit Seigneur Roi, lesquelles il porta à pied sur son corps pendant tout son voyage qui dura deux ans, et autres bons et importants services qu'il rendit à la couronne, il fût déclaré noble, lui et toute sa postérité masculine et féminine, et tous les descendants d'iceux de l'un et l'autre sexe, francs, quittes et exempts de toutes impositions, tributs, ayades, paysages, barrages, entrées, sorties, quatre huitième, douzième, vingtième et autres droits subsides quelconques, lesquels privilèges plusieurs rois nos prédécesseurs auraient affirmé et sur l'approbation d'iceux rendu plusieurs arrêts en notre Conseil et en nos Cours de parlement et par devant nos Messieurs des requêtes de l'hôtel lesquels à ces fins auraient été commis pour juges et connaître sommairement des
 
 
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dits privilèges et de l'observation d'iceux, et néanmoins aurait aussi été établi un bureau en notre ville d'Etampes proche du dit lieu de Chalo Saint-Mars dont le dit Eudes Le Maire était natif, pour juger et connaître de la qualité et de convenir des particuliers prétendant au dit privilège, pour discourir si véritablement ils en sont descendants. Ce qui aurait mû le dit Exposant de se retirer par devant les officiers établis en notre ville d'Etampes, lesquels après preuve suffisante l'auraient par acte du onzième février dernier, déclaré être descendant du dit feu Eudes Lemaire, comme étant fils légitime et naturel de feu Pierre Godin et de Marie Girard ses père et mère, et lequel Pierre Godin était issu et descendu de la dite lignée et postérité, et en cette qualité aurait joui des dits privilèges, comme aussi Sautin Godin, frère germain du dit exposant lesquels sont couchés sur le registre gardé en la dite ville d'Etampes où tous les descendants du dit Eudes Lemaire sont nommés et enregistrés et ensuite s'étant fait reconnaître de la dite lignée, il se serait retiré par devant nos amés et féaux les maîtres des requêtes de notre hôtel gardiens et commissaires délégués pour l'observation des dits privilèges pour en avoir leur approbation et confirmation et commission qu'ils ont accoutumé de donner à tous ceux qui sont de la dite famille pour en pouvoir user et jouir. Ce qu'ils auraient fait le vingtième mars dernier en bonne et due forme. Et quoique cher moyen le dit exposant dût être exempt de tout subside, droits, impositions, ce néanmoins les Capitouls du dit Toulouse l'ont cotisé et imposé à l'industrie et autres charges ordinaires et extraordinaires, ce qui va entièrement à la destruction et renversement des dits privilèges. C'est pourquoi et attendu qu'il s'agit de l'observation d'un privilège royal et de l'exécution de diverses lettres patentes des rois nos prédécesseurs, et d'une commission de nos amés et féaux les maîtres des requêtes de notre hôtel et singulier et important dont la connaissance vous appartient plus justement qu'à tous autres juges informés, voudrait être reçu à demander cassation de la dite cotisation et imposition faite, par les dits Capitouls, tant par voie de nullité, appel, recours à justice, qu'autres voies de droit, et sans avoir égard à icelle être main-[tenu]
 
 
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[main]-tenu et gardé à l'exemption de toutes charges, droits d'entrée, subsides et autres impositions quelconques en vertu du dit privilège, avec inhibition tant aux dits Capitouls qu'à tous autres qu'il appartiendra contre le dit exposant en sa jouissance d'iceux à peine de cinq cents livres et autre arbitraire, nonobstant toutes expresses appréhensions, acquiescements, laps de temps et avec autres contraires, et se réservant en tant que de besoin envers iceux, mais à ce double lui être faite difficulté, si par nous ne lui être permis, de n'être rendue toute justice qu'humblement il nous demande et requiert.
« Pour ce est-il que nous désirons survenir à nos sujets selon l'exigence des cas. Vous mandons que si de ce dessus vous est appert, ou d'autre chose à suffisance ou que suffise doive, vous au dit cas fassiez droit au dit exposant sur tout ce dessus ainsi que verrez être à faire par raison nonobstant toutes fins de non recevoir qui lui pourraient être objectées et aux lettres vouyez et administrez bonne et griève justice, car tel est notre plaisir.
« Donné à Toulouse, l'an de grâce mil six cent vingt cinq et de notre règne le treizième.
« par le Conseil,
« DE CAPÈLE, ainsi signé. »
La famille du demandant, originaire d'Etampes près Paris, était venue se fixer dans le Midi de la France après le passage à Toulouse de frère Guillaume de l'ordre des Prêcheurs, ancien chapelain de Philippe le Bel et son envoyé extraordinaire.
En 1304, lorsque Philippe le Bel reçut à Toulouse les envoyés de Carcassonne et d'Albi, frère Guillaume-Pierre, alors ministre provincial de l'ordre des Frères Prêcheurs, récusa le témoignage du vidame, parlant au nom des plaignants, comme étant celui d'un excommunié. Il demanda la permission de défendre ses confrères et plaida pour Foulque de Saint-Georges. (Histoire du Languedoc, par Dom Vaissette).
Ce frère Guillaume-Pierre devint plus tard cardinal au titre de Sainte-Cécile. On trouve, en effet, dans les lettres secrètes de Jean XXII (1- fascicule n° 237, bibliothèque de Montau-[ban]
 
 
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[Montau]-ban ) : Philippe regi Franciœ ut Guilhelmum sanctœ Ceciliœ presbyterum cardinalem ratione beneficiorum quœ in regno obtinet, commendatum habeat.
Et en note à la fin du n° 239e: Ce Guillaume-Pierre Godin, cardinal-prêtre du titre de Sainte-Cécile depuis le 24 décembre 1312, ne pût devenir ëveque de Sabine qu'après la mort d'Armand de Faillières, Il est désigné sous le nom de cardinal-évêque de Sabine dans deux lettres datées du 13 avril 1318.
De 1622 à 1698, les membres de la famille Godin ont donné: deux présidents en l'élection de Lomagne, trois trésoriers généraux de France; ils ont prêté serment à la Cour des Aides de Montauban. (Archives départementales BI); en 1763, un secrétaire du Roi près le maréchal duc de Richelieu, gouverneur de la province de Guienne, enfin en 1774 un conseiller du Roi, rapporteur d'honneur des maréchaux de France, près du présidial et de la Sénéchaussée d'Auch sur la présentation du maréchal comte de Clermont-Tonnerre, président de ce tribunal. (Archives nationales, section ancienne, registre authentique déposé sous la côte Zle, folio 44. — Paris.)
L'ordonnance royale de 1625 reconnaît après preuves suffisantes que C. Godin est bien issu de la lignée de Eudes Le Maire de Chalo Saint-Mars, et une généalogie régulièrement établie, donne la continuation de cette descendance depuis 1563 jusqu'à Henriette Dubois-Godin, 1er juin 1901.
Renseignements pris à Etampes. - Une lettre à la date du II décembre 1874 fait connaître que la commune de Chalo Saint-Mars est à 8 kilomètres de cette ville, que la terre et le château reconstruit, appartenaient autrefois au cte de Prunelé, et qu'aujourd'hui cette terre appartient à Madame Massé de Combles; que le tableau sur lequel Eudes Le Maire était représenté avec sa femme et ses enfants devant le Roi, a existé, mais a disparu avec la chapelle où il était appendu, et que le registre spécial sur lequel étaient enregistrés les descendants d'Eudes Le Maire n'existe plus à la Mairie d'Etampes. La validité de la charte souvent attaquée fût toujours confirmée, par Philippe VI de Valois d'abord et tous ses successeurs, dans la Suite. La charge onéreuse qu'elle était pour le trésor, fit appor-[ter]
 
 
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[appor]-ter d'année en année des restrictions. Un grand nombre de familles se trouvant dans l'impossibilité de fournir les preuves suffisantes pour établir qu'elles étaient réellement issues de cette lignée, de nombreux arrêts les déboutèrent de leurs prétentions et les contraignirent à subir la loi commune. Néanmoins en 1752 près d'un millier de personnes jouissaient de la franchise comme descendants de Eudes Lemaire. Seule en France la famille de Jeanne d'Arc avait obtenu plus tard des privilèges aussi étendus.
 
Eude le Maire recevant la Charte


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