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Un Grand Magistrat du XIVème siècle - Simon de Bucy, 129? - 7 mai 1369 (1899)

 
 
Société des études historiques (France) publiée par la Société des études historiques


Un Grand Magistrat du XIVème siècle


Simon de Bucy, 129? - 7 mai 1369
par Félix Aubert




Au premier rang des "parvenus" redoutés et déconsidérés que Jean-le-Bon laissait, après le désastre de Poitiers, pour conseiller le Dauphin âgé seulement de 19 ans, on place ordinairement Simon de Bucy que le nom d'une porte, puis d'une rue rive gauche, rappella et rappelle encore aux Parisiens. Conseiller du Dauphin et conseiller écouté il le fut, mais rien ne justifie l'expression de "Parvenu déconsidéré" car Simon de Bucy, fils d'un procureur au Parlement, est un magistrat de carrière qui a servi fidèlement Philippe de Valois, Jean le Bon et Charles V.
Sa famille, originaire de Bucy-le-long en Vermandois, davait être nombreuse; beaucoup de personnes du nom de Bucy sont citées dans la première moitié du XIVème siècle, mais il semble difficile de désigner exactement celles qui s'y rattachent véritablement. Cependant les trois frères Raoul, Robert et Joran de Bucy, le conseiller clerc Geoffroy de Bucy, l'avocat Jean de Bucy fixé à Reims, un notaire au Châtelet de Paris appellé aussi Simon de Bucy et un écuyer, Guillaume de Bucy, père de Gérard de Bucy, qui fut annobli en novembre 1366, pourraient bien y être compris.
Simon de Bucy est né de "franches personnes, en loyal mariage fait et solemnisé en face d'Eglise", de Simon de Busy, clerc "seigneur en loys", procureur au Parlement, mais non du Roi, et de Jeanne du Luat, fille de Robert et Marguerite de Luat.
lorsque Philippe VI lui accorda les premières lettres d'annoblissement (mai 1335), son père qui figurait en 1332 au nombre des procureurs au Parlement, vivait peut-être encore mais depuis longtemps il était veuf. Dès 1310, en effet, on le voit chanoine de Pontoise permuter avec un chanoine de Châlons-sur-Marne. A l'apparition des secondes lettres de noblesse délivrées "sans finances aucunes" (mai 1339), il est dit décédé diacre et chanoine de Châlons.
En vertu de ces secondes lettres, la noblesse se trouvait aussi conférée à Nicole Taupin, fille de Jean Taupin, "seigneur en loys", de Coucy en vermandois, conseiller clerc à la chambre des Enquêtes, cousine de Jacques d'Arthen - chevalier et aussi conseiller au Parlement, que notre futur président avait épousée depuis peu.
Sans être illustre, la famille de Simon de Bucy est honorable, ses alliances sont recommandables et les services qu'il a déjà rendus au Roi et à la France lui ont mérité l'annoblissement puis le titre de chevalier.
Son avancement n'a rien d'irrégulier. Simple clerc à l'origine, on le voit agir en 1326 comme procureur du Roi; il en conserve le titre pendant encore dix ans et quand il est alors nommé troisième président à la Grand'Chambre (1336) le fait semble tout naturel. Puis il devient second président (1344). Enfin sur la liste publiée par Philippe VI, le 11 mars 1345, en vue de la session qui allait s'ouvrir au mois de novembre suivant, il est inscrit comme premier président et il le restera jusqu'à sa mort. Depuis le mois de juillet 1343 il remplit aussi les importantes fonctions de maître des Requêtes de l'Hôtel du Roi et il siégeait au Conseil secret où il se montre le plus exact sinon encore le plus influent.
Rien dans ce curriculum vitae qui prête à la critique, rien qui rappelle les avancements exceptionnels et irréguliers de Pierre d'Orgemont, de Guillaume de Séris et d'Arnaud de Corbie ou même de Jean de Popaincourt.
Il s'acquitta toujours fort bien de ses fonctions et par son activité, son assiduité, il ne cessa de donner l'exemple au Parlement. Les registres du greffe le montrent présidant les audiences, les séances de Conseil, prononçant les arrêts, allant tenir les sessions des Grands Joursc de Champagne ou de l'Echiquier de Normandie, à Rouen, pendant les vacances du Parlement.
Son traitement est celui fixé par les ordonnances : 500 livres parisis par an, et, à titre de chevalier, il recevait en plus des manteaux à la Toussaint et à la Pentecôte.
Comme ses collègues on le voit procéder à des enquêtes, décider en qualité d'arbitre entre des plaideurs ou des procureurs; donner, dans les conditions requises, des avocats aux plaideurs par distribution de conseil.
Avec Jean de Chatellier, passé second président après l'exécution (de Hugues de Crusy le 21 juillet 1336), il accomagne le premier président, Pierre de Cuignières au Châtelet pour procéder à l'élargissement des prisonniers à l'occasion de la naissance du petit-fils de Philippe VI, le futur Charles V.
Il figure aussi comme exécuteur testamentaire et le Parelemnt le désigne parfois pour ménager des accords entre les plaideurs et terminer ainsi à l'amiable les procès et les contestations.
Son zèle et sa capacité de magistrat ne le mirent cependant pas à l'abri des attaques de plaideurs malheureux. A la fin du règne de Philippe VI, Etienne Montainer l'accusa publiquement d'avoir mal jugé, mais n'ayant pu prouver ses affirmations, il se vit emprisonner. Pour être relaché il dut faire une très humble amende honorable publique, flexis genibus et junctis manibus, puis solennellement jurer sur les Evangiles qu'il avait menti et qu'il ne recommencerait plus.
Qu'on ne s'étonne pas de trouver le nom de Simon de Bucy sur la liste des clercs de l'hôtel du roi de Navarre, Philippe d'Evreux, ou de le voir agir comme procureur de la veuve de ce prince, Jeanne, comotesse d'Evreux, d'Angoulême, de Mortain et de Longueville, qui réclamait son douaire dans la succession. Cela semblait alors tout naturel et d'ailleurs ne nuisait pas à ses fonctions.
A cette époque les rois confiaient des missions soit administratives soit mêmes diplomatiques aux membres du Parlement, surtout aux présidents. Simon de Bucy fut un des plus souvent choisi par Philippe VI, Jean le Bon ett Charles V qui apprécièrent sa haute valeur et sa grande loyauté. Le 28 décembre 1337, accompagné de Guillaume Flote, de Jean Richier et de Gui Baudet, évêque de Langres, il s'abouche avec les commissaires du comte de Hainaut pour conclure une convention. Trois ans plus tard, sur un ordre du Roi, il repart en mission. En mars 1341, avec ïerre de Cuignières il se rend à Avignon et rassure Benoît XII inquiet du rapprochement de Philippe VI et de Louis de Bavière. En 1346 il semble avoir accompagné en Languedoc Pierre Belagent puis peu après Pierre des Essarts, envoyé en Hainaut pour négocier le mariage de Louis de France, deuxième fils de Jean duc de Normandie, avec la fille du duc de Brabant. L'année suivante (1347) il va dans le bailliage de Senlis lever l'aide nécessaire au paiement des gens d'armes, et en septembre 1349 il se transporte dans celui de Troyes, avec le conseiller Gui de Saint-Sépulcre, pour percevoir une taxe sur les nouveaux annoblis. Cette année compta pour Simon de Bucy au nombre des plus fatigantes et le 22 août il lui est alloué 16 livres parisis d'indemnité pour son roussin bai brun épuisé dans les chevauchées au service de Philippe VI.
Jean le Bon, alors qu'il n'était que duc de Normandie, l'avait apprécié comme chancelier et, devenu roi, il lui confia aussi des missions. Le 20 décembre 1353 il lui fait remettre 67 livres 12 sous 6 deniers de faible monnaies (au dernier cours mais équivalent à 26 livres 9 sous 2 deniers parisis de la monnaie du jour) pour avoir été au mois de mars à Avignon; en mai il l'avait envoyé à Rouen.
Au cours de ses missions, dans le Midi comme en Normandie, régions dans lesquelles les Anglais et Charles le Mauvais entretenaient l'esprit de révolte, la conduite de Simon de Bucy ne fut peut-être pas irréprochable. A la méthode de modération et de justoce de Saint Louis, il a préféré la méthode inexorablen brutale même de Philippe le Bel ou de l'impulsif Jean le Bon dont il demeura toujours le conseiller écouté. On l'accusa de "cruelle justice", d'avoir fait arbitrairement exécuté à Agen Raymond Bernard, de Pestillac en Quercy, et son complice l'écuyer Huguet de Bugat. A vrai dire, tous deux étaient inculpés de haute trahison "envers la couronne de France et de la chose publique". Bernard, sous-diacre, avait même était pris les armes à la main. On fit aussi à Simon grief d'avoir fait mettre à mort, à Rouen, du temps où il était chancelier du duc de Normandie, 23 hommes accusés d'émeute, de rébellion, et aussi plusieurs autres dans diverses régions sans d'ailleurs préciser. Nous connaissons encore trop peu les détails des complots anglo-navarrais en Guyenne et en Normandie pour porter un jugement définitif. J'incline à croire que Bucy agit en dictateur résolu à vaincre toute tentative de révolte contre le pouvoir légitime, frappant vite et dur mais légalement. De nos jours, en des circonstances pareilles, n'appliquerait-on pas la loi martiale dans toutes sa rigueur ?
Quoi qu'il en soit, en mars 1352, le Roi délivra des lettres de rémission à son fidèle premier président, déclarant qu'il n'avait agi que pour le bien du Roi et du royaume, pour la justice, sans haine ni faveur à l'égard de personne. Cependant, ému des attaques violentes dont il était l'objet, Bucy tomba malade; aussi pour le rassurer pleinement et hâter son rétablissement, Jean le Bon expédia, l'année suivante, au mois d'août, de nouvelles lettres de rémission confirmant les premières et louant encore, dans réserves, ses longs et loyaux services.
Sa faveur n'avait pas diminué : il fait partie de la commission extraordinaire chargée de punir les infractions aux ordonnances monétaires; il est envoyé en mission, et pendant son absence, en plus de l'indemnité de voyage, il continue à recevoir ses gages de président; cumul qui n'était pas rare alors et qui ne l'est pas non plus de nos jours.
Cependant ses ennemis ne désarmaient pas; profitant de l'anarchie qui suivit le désastre de Poitiers, le fougueux Robert le Coq, l'âme damnée de Charles le Mauvais, excita contre lui l'opinion, le traitant publiquement de "boucher qui n'a d'autre désir que de verser le sang de France". Avec une habileté perfide, il mit à côté de lui sur la liste des proscriptions des conseillers tels que Robert de Lorris, Enguerrand du Petit Cellier, Jean Poilevillain, Nicolas Braque, pour lesquels il est difficile de plaider les circonstances atténuantes. La tactique réussit : les Etats Généraux de Langue d'oïl réunis en octobre 1356 exigèrent puis obtinrent le renvoi et aussi la déchéance à perpétuité de tout office de ce Simon de Bucy que redoutait Charles le Mauvais. A vrai dire une enquête devait avoir lieun mais sans attendre le résultat on réclama l'arrestation du président et la confiscation de ses biens. Au début de l'année suivante (25 janvier) des sergents firent l'inventaire de ces biens et occupèrent ses immeubles. Bientôt ce fut la spoliation : la maison de Viroflay qu'il avait acheté 26 deniers d'or au mouton au chevalier Jean de Viroflay dut donnée (mars 1358) à un des principaux agitateurs, Jean de l'Isle, échevin de Paris; enfin ses manoirs d'Issy et de Vaugirard furent pillés, incendiés par des bandes que conduisaient l'orfèvre Pierre des Barres et l'épicier Pierre Gilles.
Simon de Bucy opposant son énergie et sa ténacité bien connues continua de servir le Roi de France. Tous pouvoirs lui avaient été retirés : il n'en partit pas moins avec un autre proscrit, le chancelier Pierre de la Forêt, signer la trêve de Bordeaux (25 mars 1357) dans le but de préparer la paix avec l'Angleterre. Cependant il ne jugea pas prudent de rentrer à Paris mais attendit en Flandres, à Courtay, la fin destroubles. Il n'est pas impossible que Charles le Mauvais ait alors tenté de le faire assassiner. Aussi bien la disgrâce ne dura pas longtemps.
L'Assemblée de Compiègne (mai 1358) donna le signal d'une réaction monarchique et Simon de Bucy reparut aussi puissant qu'auparavant. Le 28 mai 1359 un arrêt solennel rendu par le Dauphin lui-même, le réhabilita, lui et les autres proscrits, le rétablissant dans tous ses biens, toutes ses charges et tous ses honneurs. Bientôt il fut indemnisé des pertes qu'il avait subies : il reçut au moins 3000 écus d'or.
Désormais, tout en jouissant tranquillement de la faveur royale, il continue à servir le régent. Avec Jean Chalemard, président aux Enquêtes, il conclut le renouvellement de l'alliance avec l'Ecosse. L'année suivante il est au nombre des négociateurs envoyés à la conférence de la Maladrerie de Longjumeau (3 avril 1360), puis (10 avril) à celle de la Maladrerie dite "la Banlieue" à l'extrémité de la plaine de la Tombe Issoire sur la route de Paris à Orléans, pour traiter de la paix avec l'Angleterre. Quelques jours après il arrive à Chartres (27 avril) et signe la convention du 13 mai qui fixe le prix du rachat immédiat du roi Jean. Six ans plus tard (1366), avec Jean des Marès et Raoul de Reneval, il est désigné pour recueillir, dans le diocèse, la prévôté et vicomté de Paris, 2500 florins d'or nécessaires à la rançon du Roi.
Au Parlement il est toujours exact à remplir ses devoirs de premier président et il siège, membre très influent, aux Requêtes de l'Hôtel et "au Grand et Secret Conseil". Jurisconsulte émérite il fit triompher le système juridique de la complainte de possessoire en cas de saisine et de nouvelleté, mais il n'en est pas l'inventeur, comme le croit l'auteur du Grand Coutumier, Jacques d'Ableiges.
Tous les biens reçus de ses parents et ceux provenant soit de ses acquisitions personnelles, soit de la faveur du Roi, lui ayant été conservés ou restitués, Simon de Bucy jouit, à la fin de sa vie, d'une fortune réelle qui ne semble pourtant pas approcher de celle d'un avocat en vogue comme Guillaume du Breuil ou Regnaud d'Acy ou de certains familiers de Charles V.
Il possède en Vermandois une maison à Crouy; la châtellenie de Chauny que lui donna le roi Jean. Ce prince l'avait aussi gratifié de 2.000 deniers d'or à l'écu au moment du mariage d'une de ses filles (27 décembre 1352), plus 1.000 autres le 22 juin 1353 et encore le double les 4 janvier et 24 mai 1356, à l'époque même où il adressait un appel aux Etats généraux pour obtenir des subsides. Le moment était mal choisi pour faire de ces libéralités à un bon serviteur, mais Bucy en est-il responsable ?
La vaisselle d'argent, qui n'était pas rare alors chez les bourgeois, devait être considérable chez notre président, puisque le Roi la lui emprunta, en novembre 1351, pour fêter à Saint-Ouen la création de l'Ordre de l'Etoile. Elle en revint abîmée et diminuée d'une écuelle d'argent mais il fut indemnisé.
De ses parents il tenait en pleine propriété et pleine de justice des terres à Balene, à Chasseny, où il avait un pressoir. Avec sa femme Nicole Taupin il possède 80 livrées de terre à Faronville et à Auteuil, près de Paris. Il est aussi seigneur de Rueil, près de Paris, de l'Echelle-sur-Marne et de Venteuil, où ses droits de justice ne furent pas toujours respectés.
Il faut enfin rappeler ses manoirs de Viroflay et d'Issy, déjà mentionnés.
De toutes ses propriétés aux environs de Paris celle de Vaugirard nous est la plus connue. Elle avait appartenu avant lui au conseiller Gervaise de Pont-Arsi en Vermandois. Quand Vaugirard fut érigé en paroisse indépendante de Saint-Germain-des-Prés (23 février 1343) Bucy se montra très dévoué et généreux. Il obtint de Philippe VI pour les habitants la permission d'acheter, avec remise de l'amortissement sur les terres du domaine royal, un fonds de terre de 32 livres de rente pour subvenir à l'entretien de la nouvelle paroisse. Neuf ans plus tard (1352), c'est un fond de vignes, de 20 livres 6 deniers de rente qu'il achète encore pour l'entretien du curé; en échange les habitants s'offrent à lui payer la somme équivalente qu'il versait à Saint-Germain-des-Prés pour le loyer de sa propriété située à la porte Saint-Germain appelée depuis la porte de Bucy. En 1355 nouvelle acquisition faite par lui pour le curé de Vaugirard, et dans le domaine de l'abbaye, d'un fonds de terre de 15 livres 10 s. de rente que l'abbé Geoffroyd e la Couture lui amortit gratuitement. La propriété située près de la porte Saint-Germain, et dont je viens de parler, comprenait une maison et ses dépendances avec jardins et enclos, cédées à lui et à sa femme, Nicole Taupin, au temps de l'abbé Jean de Précy, s'étendant entre la rue de la Barre, près l'hôtel Saint-Denis et la porte Saint-Germain, dite bientôt de Bucy. Le chemin allant de l'abbaye à cette porte prit le nom de rue de Bucy dans les actes du XVè et XVIè siècles (1470, 1498, 1522, 1528, 1531) : il aboutissait à la Seine et aussi au Pré aux Clercs, près duquel habitait un collègue, le président Jacques la Vache. Simon de Bucy y bâtit un hôtel et dès le règne de Charles VI, d'autres conctructions s'élevèrent; Henri II le fera paver en 1551.
Après la mort de Simon de Bucy, cette belle propriété fut vendue par ses fils 1000 marcs et 500 francs, à Jean de Dainville, seigneur de Bruyères et d'Aussonvilliers, chevalier, conseiller et maître d'hôtel de Charles V.
En plus de ses gages annuels, de ses indemnités de déplacement, notre président jouissait, comme tous ses collègues du Parlement, de plusieurs privilèges. Un des principaux consistait à faire entrer dans Paris, sans payer aucune taxe, les provisions de bouche, nécessaires à lui et à sa famille. Avec raison Bucy entendait user de ce droit très avantageux et il le fit respecter par les péagers de Conflans et de Maisons-Alfort en 1334. Vingt-neuf ans plus tard il dut encore poursuivre le receveur du péage de "l'Ile, près Saint-Denis", Hugues de Saint-Paul, qui avait oublié les règlements et ordonnances.
Nous sommes arrivés à la fin de la vie de Simon de Bucy. Sa femme, morte depuis plusieurs années, l'avait laissé avec des difficultés interminables au sujet du règlement de la succession de son cousin, messire Jacques d'Arten (ou d'Arthen), chevalier.
De son mariage il avait eu plusieurs enfants; nous en connaissons conq vivants au moment de sa mort, deux filles et trois fils.
L'aîné des filles, Jeanne, se maria très honorablement. Elle épousa d'abord Jean II, seigneur de Chepoy (ou Cépoy) et d'Anchin, amiral de France, fils de Jean Ier de Chépoy et d'Isabeau de Denisy et petit-fils du grand maître des arbalétriers de Philippe le Bel. Des lettres d'état du 1er janvier 1337 constatent qu'elle était veuve, et que sur "la fosse" de son mari elle avait renoncé aux dettes et aux biens meubles. Au nom de ses enfants mineurs, dont le plus connu est Jean III de Chépoy, elle eut à soutenir plusieurs procès soit contre l'abbaye de Saint-Corneille de COmpiègne, soit contre son beau-frère Thibaud de Chépoy. Dans des actes postérieurs à 1360, elle est dite dame de Chépoy, de Rueil, de l'Echelle-sur-Marne et de Rouvray. En effet elle avait épousé en secondes noces Guillaume de Wavrin, seigneur de Rouvray, qui fit en sa faveur son testament, devant elle-même et son fils, Pierre de Wavrin, puis devant les notaires du Châtelet, Etienne de Mirbel et Richard de Valy ou de Vaily (17 mars 1367).
Peu après Guillaume de Wavrin mourut et Jeanne se remaria, une troisième fois, avec Gaucher de Châtillon, seigneur de Dours. Elle n'en eut pas d'enfants et il mourut avant elle, en 1380. Cette fois elle jugea bon de demeurer dans le veuvage.
A l'occasion du second ou du troisème mariage, Jean le Bon avait fait don à son père de 2000 écus d'or.
La seconde fille, Marie, fut semble-til, demandée en mariage par Guillaume Molhier, conseiller au Parlement et chevalier. Veuve elle donna sa main à Philippe II des Essarts, seigneur de Thieux, maître d'hôtel du Roi et conseiller au grand Conseil en 1404.Elle en eut quatre enfants. On aime à croire qu'elle ne vécut pas assez pour apprendre l'exécution du plus célèbre d'entre eux, le fameux grand bouteiller Pierre des Essarts, décapité le 1er juillet 1413.
Les fils s'appelaient Simon, Regnaud et Jean. L'aîné, Simon III de Bucy, était encore mineur lorsque son père disputait pour lui à Pierre Darches une préhende de chanoine à la cathédralde de Noyon, prébende qu'en vertu du droit de régale, Philippe VI lui avait accordée à la mort de Jean Barbery, vers décembre 1348. D'autres bénéfices ecclésiastiques assurèrent l'avenir de ce fils qui devint ainsi chanoine de Bayeux, de Chartres, de Soissons et d'Orléans. En 1362, il siège comme conseiller au Parlement et, le 3 novembre, il est l'évêque de Soissons. Pendant plus de 40 ans il gouverna sagement ce diocèse et, ayant testé le 28 janvier 1404, il mourut le 14 octobre suivant.
En lisant son testament on constate qu'il possédait la grande maison paternelle de Bucy, la maison, les terres et les bois de Crouy, où son frère Regnaud avait aussi quelques biens et un clos de vigne derrière ladite maison. Le bon évêque fit de nombreux legs aux églises, abbayes, couvents, collèges et hôpitaux de sa ville épiscopale; à plusieurs curés, ceux de Bucy et de Vaugirard tout spécialement, à chacun de ses filleuls ( ou filleules), il attribua 32 sous; il recommanda d'acquitter des obits pour son père, sa mère et, quand il serait mort, pour son frère Regnaud, qu'il avait choisi comme exécuteur testamentaire avec le doyen de sa cathédrale, Guillaume Hérouard et le chanoine Gérard LeFèvre. Aucune mention de son frère Jean qui semble alors brouillé avec la famille.
Regnaud de Bucy, licencié in utroque jure, avait été lui aussin, dès sa jeunesse, comblé de prébendes. Dans un acte du 25 janvier 1354, il est dit chanoine de Poitiers, Cambrai, Reims et Saint-Quentin. Il devint encore prévôt de l'église de Soissons, dont son frère aîné se trouvait évêque; comme lui, il est inscrit au Parlement, d'abors conseiller à la chambre des Enquêtes, puis ,en remplacement de Renaud d'Amiens décédé, à la Grand'Chambre (24 avril 1402). Guillaume de Gy lui succéda aux Enquêtes.
Il testa le 17 juillet 1398, mais ne mourut que dix ans plus tard (10 mars 1408). On l'enterra, comme il en avait exprimé le désir, ç la chapelle des Chartreux de Vauvert, près de Paris. Dans son testament il faisait des legs d'argent au curé et à la fabrique de Saint-Endré des Arcs, à l'Hôtel-Dieu et aux Augustins de Paris. A Jeannette Bernarde, qui le servait, il laissait six grandes tasses d'argent pesant chacune 6 onces; pour exécuteurq testamentaires il avait choisi son procureur et le prieur des Chartreux de Vauvert. Comme il ne s'entendait plus avec son jeune frère Jean, il lui défendait de s'occuper de sa succession et le déshéritait.
Le dernier des fils, Jean de Bucy, écuyer en 1370, quand il plaidait à propos de la forêt de la Hérelle contre les religieux de Saint-Quentin de Beauvais, devint chevalier. Dès le 14 mai 1384, il figure parmi les conseillers au Parlement. Familier du duc de Touraine, il se signala par sa turbulence dans les premières années du XIXè siècle. Son caractère difficile amena sans doute la brouille avec ses frères. Il finit cependant par devenir possesseur de la maison paternelle de Bucy et de l'hôtel du pressoir à Bucy; il avait aussi des biens à Vrégny. Sa femme, fille du conseiller Nicolas d'Arcies, morut avant 1409. Il seurent unfils, Simon, né en 1380 auquel par une transaction du 27 juillet 1409, il laissa ses biens à Bucy, tout en se réservant l'hôtel du pressoir; ce pressoir resta en commun.
Nous avons laissé le président comblé d'honneurs, entouré du respect de tous et assuré de l'avenir de ses enfants. Il était au moins septiagénaire et n'allait pas tarder à "décéder de cette vie mortelle", comme on disait alors.
La mort le frappa rapidement : le 26 avril 1369 il préside, le 28 il siège à une séance de conseil de la Grand'Chambre et le lundi 7 mai le greffier civil, Nicolas de Villemer, écrit dans son registre : "à heures de vespres, homme de très excellente mémoire et de très grande prudence et esleues discrécion et excellement renommé par tout le monde de prééminence ou fait de justice temporel, messire Symon de Bucy, chevalier et conseiller du roy notre sire, et premier président en son Parlement, trépassa de ce siècle".
Cette note si élogieuse perdue dans les feuillets d'un registre du Conseil et nullement destinée à la publicité à sa valeur. Aucun magistrat du XIVè siècoe n'en eut une semblable de la part du grave personnage qu'était le greffier en chef du Parlement et qui voyait de si près les membres de cette cour. Si notre président avait été un intrigant sans scrupules, déconsidéré, ou seulement une personnalité ordinaire, Nicolas de Villemer se fut contenté, comme d'habitude, de mentionner sèchement le décès.
L'exécution testamentaire suivit son cours, les trois fils du défunt en furent chargés et, selon l'usage, le roi Charles V les prit sous sa sauvegarde eux et les biens de la succession. Dès le 28 mai, conjointemnet avec un parent, l'écuyer Jean de Bucy - peut-être leur oncle - ils continuaient le procès commencé l'année précédente, entre leur père et l'écuyer Pierre Béquet du Pont-Saint-Mard, en Vermandois et sa femme Gille/
les comptes de l'exécition testamentaire furent soumis, le 28 janvier 1373, aux comissaires désignés par le Parlement : Jean II de Hubant, président de la chambre des Enquêtes et Arnaud de Corbie, conseiller clerc.
En recettes on trouva 5267 livres, 17 sous, 3 deniers parisis et en dépense 4917 livres, 16 sous, 2 deniers de la même monnaie. Il y avait donc un excédent de recettes mais, à cause de certaines dépenses encore non payées, on le réduisit à 300 livres 11 deniers parisis. A tout prendre, la fortune que laissait Simon de Bucy n'était pas très considérable. Les commissaires approuvèrent les comptes le 12 avril et dès le 21 la Grand'Chambre ratifia les opérations. L'excédent fut remis aux exécuteurs testamentaires pour amortir la rente léguée au curé de Vaugirard.
Voilà exposée, d'après les documents contemporains, la biographie de Simon de Bucy. Je le considère comme un grand magistrat et un homme de gouvernement, loyal, énergique, peut-être jusqu'à la dureté, qui rendit à la royauté et à la France, dans une période des plus troublées, de réels et de grands services. Charles V, qui s'y connaissait en hommes, lui garda toujours sa confiance et cela suffirait à la gloire de Simon de Bucy.

 

Source : Gallica  

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