Persogeneal

Histoires de familles, lieux et métiers

Traité de la Noblesse de Gilles-André de La Roque (1678 )

Chapitre XLIV

De la Noblesse d'Eudes le Maire, dit Chalo Saint Mars

Le Roy Philippes I, ayant fait un voeu d'aller au Saint Sepulcre, Eudes le Maire, dit Chalo Saint Mars, s'offrit à sa Majesté pour entreprendre ce voyage qu'il fit à pied, estant armé de toute pieces, & portant un cierge qu'il allumoit en certaines occasions. Le Roy luy en donna des marques d'e- stime & de satisfaction, par un privilege singulier d'exemption de tous pea- ges, tributs et autres droits, pour lui & pour sa Race. Ceux qui en ont par- lé, l'ont comparée au privilege que les Romains donnerent pour recompense aux descendans de Thimasitheus Capitaine des Lipariens. Les Llettres accordées à Eudes le Maire, sont données à Estampes au mois

de Mars l'an 1085. dont voicy le texte.* Notum fieri volummus tam presentibus quam futuris, quod Odo Major de Chalo, nutu divino, concessu Philippi Francia Regis cujus famulus erat, ad sepulchrum Domini perrexit, qui Ansoldum filium suum & quinque filias suas un manu & custodia recepit & retinuit; concessit quoque Ansoldo & quinque presatis sororibus suis, Odonis filiabus, pro Dei amore, & sola charitatis gratia & sancti Sepulchri reverantia; quod si heredes masculi ex ipsis exi- stentes, foeminas jugo servitutis detentas matrimonio duxerint, liberabat, & à vin- culo servitutis absolvebat; si vero servi Regis foeminas de genere heredum Odonis maritali lege duxissent, ipse cum herebidus suis de servitute Regis essent : Rex au- tem herebidus Odonis & eorum herebidus Majorium suam de Chalo, & homines suos custodiendos in Feodo concessit, ita pro quod  nullo famulorum Regis, nisi pro so- lo Rege, Iustitiam facerent, & quod in tota terra Regis nullam consuetudinem pre- stent, & C*.   On entend par le mot de Coustume, le tribut ordinaire qui se le- voit en ce temps. Il est aussi parlé de ce privilège dans les registres de la Chambre des Com- ptes, sous le regne de Philippes le Bel. Ils portent que le Roy Philippes I donna à tous les hoirs & descendans de Chalo Saint Mars l'exemption des peages, acquits, barages, travers, pontenages, & autres droits & tributs quelsconques, tant par eau que par terre, soit qu'ils fussent dûs au Roy, ou autres seigneurs subalternes ses Vassaux & Sujets, possedans les mesmes droits, à cause de leurs terres et seigneuries. Que tous ces privilieges estoient compris dans une Chartre authentique, ou dans une vieille attestation de trois Abbés qui avoient reconnu avoir veu autrefois l'original qui les contenoit, & que cela s'étendoit aux descendans des descendans d' Eudes le Maire *in infi- nitum*, en quelque branche que ce fût, soit fils ou filles. Le mesme privilege fut confirmé par le Roy jean, par Lettres de l'an 1350 qui contiennent qu' André Abbé de Saint Magloire, Aflelin Abbé de Saint Victor, & Thibaud Abbé de Sainte Genevieve, attesterent par leus Lettres avoir veu celles du Roy Philippes I. portant concession des privileges dont j'ay parlé, à Eudes le Maire dit Chalo, pour avoir esté au saint Sepulcre de Nostre-Seigneur : Et elles font mention d'Ansolde son fils & de cinq filles, & que les Seaux de Jean Maître d'Hôtel de France, de Gaston de Poissy Con- nétable, de Païen-Ancel de Senlis Bouteiller, de Guy frere de Galeran Cham- brier, estoient aux Lettres de cette concession, données à Estampes au Palais en Mars 1085, du regne de Philippes le 25. Mais ce privilege semblable aux Rivieres qui grossissent à mesure qu'elles s'éloignent de leur fource, s'est enfin étendu jusques au titre de Noblesse, en faveur de l'un & l'autre sexe : & plusieurs familles qui s'en disent venües, se sont maintenües dans la qualité du Noble. La plûpart mesmes de ceux qui s'appelloient le Maire, qui est un nom d'Office en la famille dont il s'agit, ont aussi aspiré à cette qualité; cela se voit par la tentative qu'en fit autrefois un habitant de Gaillefontaine, qui portoit ce nom. A cette occasion le Roy François I, fit une Declaration donnée à Fontaine- bleau le 19 janvier 1540, registrée au Parlement de Paris le 8 février. Elle porte que ce privilege n'est fondé sur aucune Chartre authentique, mais seu- lement sur une vieille attestation datée du regne de Philippe le Bel, de trois Abbés qui deposerent avoir veu l'original qui exemptoit les descendans d'Eu- des le Maire dit Chalo Saint Mars de tout tribut : que neanmoins ils joüi- roient de la franchise à l'égard de ce qui seroit crû sur leur fonds, mais se- roient tenus à l'avenir de payer tous peages tant par mer, que par terre des choses qui ne seroient point à leur usage. Le Roy Henry III par ses Lettres données à Paris le 29 Janvier 1578, registrées au Parlement le dernier Juillet 1587, declare que ceux qui seront descendus d'Eudes le Maire dit Chalo Saint Mars, seront sujets & contribua- bles aux payemens des huitièmes & vingtièmes, tans que tous ombre du pri- vilege à eux octroyé, ils en puissent prendre exemption, soit pour le vin de leur crû, ou d'achat fait pour leur provision. Le privilege de cette famille fut entierement revoqué par le Roy Henry IV, suivant la declaration donnée à Paris en Mars 1601, qui porte que les descen- dans de Chalo Saint Mars seroient imposez aux tailles, & qu'ils payeroient toutes autres impositions & droits comme les autres Sujets. Cette Declaration fut enregistrée au Parlement de l'exprés commandement de sa Majesté, le 3 Juillet 1601. Le Roy Loüis XIII informé du prejudice que ce privilege pouvoit appor- ter au public, fit expedier des Lettres patentes l'an 1635 qui declarent qu'il seroit restraint aux termes de sa premiere concession, laquelle concernoit cer- tains droits de coûtume ou redevances domaniales que se levoient ancienne- ment. Ils font expliquez dans un Arrest de la Cour des Aides de Paris, du mois de Mars 1596. René Chopin parle de ce privilege dans son Chapitre des Maîtres Gardes de la franchise & de la lignée d'Eudes le Maire dit Chalo St Mars. Il en est en- core fait mention dans le Plaidoyé 13 de Mr le Bret Advocat General en la Cour des Aides, de l'an 1604. Comme aussi dans les Recherches de la France de Pasquier, & dans les Memoires de Loisel, qui disent que le mesme privilege avoit esté confirmé par le Roy Loüis XI, en 1462, aux successeurs de cet Eu- des,tant en ligne masculine que feminine, mais qu'ils n'estoient pas pour cela reputez Nobles. A l'égard des descendans des filles d'Eudes le Maire, les Lettres de con- cession portent que les filles de cette famille qui epouseroient des hommes serfs du roy, tomberoient dans la servitude de Sa Majesté. Et comme la ser- vitude est incompatible avec la noblesse, l'on ne presumera pas que ces filles pussent annoblir leurs maris. Favin en son Histoire de Navarre, pages 1143, 1145 & 1145, assure neant- moins que dans cette famille, les femmes anoblissoient leurs maris, d'où vient qu'il les appelle Fiscalines. Il dit encore, que les plus riches Marchands des villes frontieres de ce Royaume, les recherchoient en mariage, afin de pouvoir en toute liberté trafiquer francs & quittes de tous droits, peages, pontages, travers, coûtumes, impositions & subsides, que les Rois impo- soient sur le peuple. En sorte que tous ces avantages & exemtions faisoient marier les filles de la ville d'Estampes & des environs, sans bourse délier Il ajoûte que les causes de ceux de cette famille estoient commises aux Re- questes de l'Hôtel, & que cét Eudes estoit Maire de Chalo, dit à present Chalou, dedié à Saint Medard, & par abreviation appellé Saint Mard. C'est pourquoy on le nomme vulgairement le Maire, dit Chalo Saint Mard, son nom estant rapporté dans toutes les Histoires, Que ceux qui en descendent se sont attribuez pour armes, d'or à une feüille de Chesne de sinople, à l'orle de gueules, écartelé de l'Ecu de Royaume de Jerusalem, que est d'argent à la Croix potencée,& accompagnée de quatres croisettes d'or, à enquerir, rapportans ce quartier à l'octroy qu'en dût faire Philippes I à Eudes le Mai- re. Mais c'est une erreur, parce que sous ce regne l'on n'expedioit point en- core de Lettres de Noblesses; les seuls fiefs annoblissioent, & qu'il ne se faisoit point alors de concession d'armes de la maniere qu'il est exposé. Pour celles d'Eudes le Maire, elles se voyent dans l'Eglise de Saint Etienne du Mont , & autrefois dans celle de Saint André des Arts à Paris, à cause de Claude Har- dy issu de Simone Chartier fille de Tiphaine le Maire, qui se disoit descen- düe de cet Eudes. On veut encore, selon la Relation des funerailles d'Anne de Bretagne; deux fois Reyne de France, publiée l'an 1513 que les descendans d'Eudes le Maire soient en possession de garder & de veiller les corps des Princes de- funts, qui passent par la ville d'Estampes; ainsi qu'ils firent lorsque celuy de cette Princesse y fut mis en dépost avant que d'estre porté à Saint Denis en France. Julien Peleus Advocat au Parlement, fait mention de ses actions forenses, singulieres & remarquables, Livre 8 action 17, des privileges de la famille de Chalo Saint Mars, & rapporte un plaidoyé fait à ce sujet, qui contient les raisons des parties.

*Source : [Gallica](http://gallica.bnf.fr)*