p.56 Il est peu de noms, parmi les illustrations de la France, qui aient autant excité la sagacité des savants que les Chartier; nous donnerons, du reste, à la fin des pièces justificatives, un essai de bibliographie sur cette famille. L'origine de cette famille est des plus humbles. Après s'être élevée au XIVe siècle, elle est rentrée dans une condition de simplicité qui fait un contraste frappant, surtout quand on se rappelle les trois frères Chartier; mais aussi, dans cette dernière condition, fidèle à la tradition familiale, elle est restée ce qu'elle était à son origine, des plus honorables. p.57 Notre but n'est point de retracer la biographie si souvent esquissée des Chartier : ils sont connus par les travaux des érudits, par Etienne Páaquier, qui compare Alain Chartier à l'ancien Sénèque romain; faut-il citer les travaux de Moréri, du Bénédictin Chaudron, de G. Peignot, de Breton, les notices des Biographies de Weïs, de Feller, celles de la grande encyclopédie, etc. Nous avons voulu reprendre leur filiation perdue, et interrompue depuis le XVIIe siècle. Le chanoine Hubert, du Chapitre d'Orléans, a laissé huit volumes manuscrits, gr. in-4° de 300 pages chacun environ, sous le titre de *Nobiliaire Orléanais*; chaque-famille y a son blason. Ce travail de bénédictin a. une très grande importance; commencé en 1664, il se termine en 1693. A cette époque, le chanoine Hubert écrivait son *Nobiliaire *d'après les textes qu'il avait recueillis et ceux que pouvaient bien lui procurer les familles auxquelles il avait fait appel si d'un côté la critique semble échapper à ce prodigieux travail, d'un autre , il a dû l'établir avec désintéressement, car cet auteur, comme tant d'autres, n'a pas entrepris de faire ces huit volumes pour le plaisir de les écrire en termes fantaisistes, ou pour flatter l'amour-propre de certaines familles; du reste, le fait même que le chanoine avait en sa possession ces textes, pour le rassemblement desquels il a dû passer une partie de sa vie, nous suffit, relativement, pour admettre non seulement sa bonne foi, mais encore pour en être convaincu; à cette époque, avouons-le franchement, les titres et les blasons étaient moins courus que de nos jours. Ce n'est qu'au mois de novembre 1696 que parut
p.58 l'édit royal qui obligeait à l'enregistrement des armoiries; ce n'est qu'à partir de ce moment que l'*Armorial général de la France*(1) a été établi; l'on conçoit sans peine que beaucoup de gens firent parfois de grands efforts pour ne pas y être omis; tandis qu'il n'en a pas été ainsi pour le *Nobiliaire Orléanais*, lequel, devant rester manuscrit; a été rédigé bien plus avec des documents que son auteur avait rassemblés, plutôt que sous l'influence de sollicitations jointes à une certaine complaisance, et qui auraient dénaturé le caractère de vérité de ce travail
*Oeuvres latines d'Alain Chartier*, fol. 5961-8757. *Œuvres françaises*, ms. fr. 2265-5339. *Quadriloge invectif *fr. 24440 S. Vict. 394). *Note sur Alain Chartier*, 728-fol. 63, v°. *Epitaphes de Paris*, ms. fr. 8228. *Tombe de Guillaume Chartier*, f. Gaignières. vol. CLXXIV(l). *Nécrologe de l'Abbaye de Saint-Denis*, 1760, 2 v. in-fol. fs. f. 8599-8600. *Lettre de G. Chartier*, Gaign, vol. CCCLXXII.
*Histoire des Poètes français*, Colletet, Ms. Autog, notice sur Alain, f. 2398 et 2398.
*Comptes de la Chambre des deniers du Dauphin*, K. K. 50, *Registres capitulaires de Notre-Dame de Paris*, L. L. 189, 217, 219, 224. *Registres du Parlement,* X, 1482-10899. *Registres capilulaires de l'abbaye de Saint-Denis*, L. L. 1192, 1212, 1213,1242, 1245, 1274, 1275. *Trésor des Chartes*, J. 678, numéros 2425 et 2426, *Registre du trésor des Chartes*, J. J. 177, pièce 102. (1) VI Pièces justificatives. p.93
*Généalogie de la famille des fondateurs de la maison et collège de Boissy*, Paris, Denis Langlois, 1680, 33 p. in-4°. *Abrégé chronologique de la fondation et histoire du Collège de boissy*, 1754. Réimpression faite en 1762, par Chevillard. *Généalogie des alliances de la famille Chartier*, fondatrice du collège de Boissy. Les trois documents ci-dessus sont aux archives du collège de Boissy. Carton M. n° 92. *Généalogie de la famille des Chartier*, d'après les Mémoires, entre autres de M. . Hubert, chanoine d'Orléans. Ecriture du XVIIe siècle. Au Cabinet des Titres de la Bibliothèque Nationale. *Généalogie des Chartier de Beausse, Orléans, Etampes, Paris*, dans le* Nobiliaire Orléanais*, par le chanoine Hubert d'Orléans, 8 vol. gr. in-4°. Cette généalogie est insérée dans le tome II, p. 64. A la Bibliothèque de la Ville d'Orléans De nombreux portraits ont été gravés ainsi que des scènes se rapportant aux Chartier, notamment, sur le baiser donné à Alain par Marguerite d'Ecosse. Les peintres, les graveurs et lithographes en ont multiplié leurs traits. C'est qu'en effet, les troisChartier ont rempli leur époque de leurs noms; l'art a voulu s'associer à la science pour leur payer son tribut d'hommages. p.94
A. Une gravure du XVIIe siècle représente Guillaume Chartier, de format gr. in-4° (1). Le prélat est mitré, vu de face, vêtu de la chasuble et de l'étole : au-dessous de l'ovale : Guillaume Chartier, évêque de Paris, élu le 6 décembre 1447, mort le 1er may .1471, inhumé dans le chœur de l'église de Paris. Grav. de Caillard, d'après Robert, del. Sa tombe était formée d'une dalle en cuivrejaune, placée au milieu, à l'entrée du chœur de Notre-Dame de Paris, ainsi que la représente une gravure de la fin du XVIIe siècle, de format gr. in-fol. (2), et portant la pagination d'un recueil " mitissi-mus. pacifi° probasts an° sui. pont. —ecclesiam. parisiensem spî. asp. féliciter, in pace quievit M° IIII° LXXIP primo martii *(1). Son corps reposait dans son église cathédrale, mais son cœur a été conservé dans l'église Saint-Malo de Bayeux. Au siècle dernier, une épitaphe gravée sur cuivre s'y voyait encore, scellée à l'un des piliers de cette église, et le curé Hernaut, qui écrivait en 1704, disait que l'on célébrait encore, le 7 janvier, l'obit de l'évêque Chartier dans la cathédrale de Bayeux Le troisième lundi de Carême, et à la même époque, l'on chantait aussi un *libera *pour le repos de son âme, à l'église de Saint-Malo. Sa vie a été des plus mouvementées, et aussi très laborieuse pour une existence si courte ; on la retrouve dans tous ses détails dans les auteurs suivants : Jean Chartier, du Boulay, Thomas Basin, Jacques du Clerc Jean Bocquet, Hermant, et dans le Gallia Chrisliana,* le Journal de Verdun*, le (1) Il y a encore une différence dans les Registres capitulaires (e 4.324, p. 612). Nous donnons le texte exact de l'épitaphe d'après la gravure du tombeau. p.98 *Journal de Paris*, les Registres du Parlement, les Registres çapituiaires, le traité d'Arras, dans Léonard, le Procès de Jeanne d'Arc, de Quicherat, la *Chronique *de Mathieu d'Escouchy, etc.
B. C'est aux Archives nationales qu'il faut'puiser pour trouver quelques documents positifs, pour établir sa biographie, sur laquelle l'on n'a que très peu de documents.. Alain est universellement connu par le baiser qu'il reçut de. Marguerite d'Ecosse, et voici la version originale qui a servi de texte aux divers récits qui en ont été faits (1) : > Audit an, 24° jour de juin, M. le Dauphin Loys espousa en la ville de Tours Mme Marguerite, fille du roy d'Ecosse, qui estoit une honeste dame et qui fort aymoit les orateurs de la langue vulgaire, et entre autres maistre Alain Charretier, qui est le père d'éloquence françoise. Lequel, elle eust en fort grande estime au moïen des belles et bonnes œuvres qu'il avoit composées : tellement, qu'un jour, ainsy quelle passoit une salle ou le dit M° Alain s'estoyt endormy, sur un banc, comme il dormoit, le fût baiser devant toute la compaignée, dont celuy qui la menoit fut envieur, et luy dict « madame je suis esbahy comme avès baisé cet homme qui est si laid, car, à la vérité, il n'avoit pas beau visaige. Et elle fist réponse « Je nay pas baisé l'homme, mais la précieuse bouche de laquelle sont yssues et sortis tant de bons (1) Du Fresne de Beaucourt, Les Chartier, p. 19. p.99 mots et vertueuses, parolles ». Le dict Charretier avait fait son quatrilagere qui est un petit œuvre digne de grant' recommandation. Depuis, il fict un œuvre plus excellent qui est le Charroy de Foy et d'Espérance (1).» Nous donnons ci-dessous, les indications dans lesquelles on retrouvera certains détails biographiques qui feront connaître plus particulièrement le Sénèque français. Cf. ms. lat. 5061 Ms. lat 8757, fol 43, r°. Aux *Archives nationales*, k. k. 50, fol. 19, 48 v», 76 v°, et suiv. Ms. 1. 8757, f. 37, et 5061, i" 46. Ms, I. 8757, f 15, V, 5961, f° 52, V et 5961, f. 55. Ms. 1.8757, f. 47-53, r°. Archives J. 678, n° 24,.n° 25 et n° 26. . Le quadrilogue invectif, ms. Saint-Victor, 394. Ms. Saint-Victor, 395. A la *Bibliothèque nationale* : Réserve L. 1, 20 k f, 36 r°. 1545, in-fol, p. 16 r° Ms. fr. 2665, f° 136, r' - 5330, f.lJ, r° au *Cabinet des Titres* : Dossier Saint-Georges. Arch. nat. LL. 344. f. 180. r" et f° 212. F. Gaignières, 371, fol. 23 . Dans *l'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux* : tom II, col. 139, 10 mars 1865, et col., 306-307-462405. ibid. Beaucoup de biographes ont fait d'Alain l'aîné des trois Chatrier, tandis qu'il est le second ; du reste, dans un acte authentique du 8 août 1455, (1) Annales d'Aquitaine, J. Bouchet. Éd. de 1644, p. 252. p.100 Guillaume est représenté comme étant le fils aîné de Jean Chartier, bourgeois de Bayeux ; quant à la, date de la naissance de ses deux frères, l'on en est encore réduit aux conjectures, et ce n'est que par inductions et comparaisons que l'on a pu établir leurs naissances. Guillaume serait né, suivant toutes probabilités, vers 1392;.Alain ne peut être né après 1395, car de 1425-1416 il composait, après la bataille d'Azincourt, son *Livre des quatre Dames*. Il lui a été donné le titre d'archidiacre (1), Weïss (2), réfute cette erreur ; c'est avant cette réfutation que.l'abbé Expilly,dans son Dictionnaire des Gaules et de la France (3), donne l'épitaphe suivante : *Hic Jacet virtutibus insignis scientia et eloquentia clarus alanus chartier ex Bajocis in normannia natus. Parisiensis archidiaconus et consiliarius regio jussu ad imperato rem multos que reges ambasciator saep1us transmissus qui l1bros varios stylo elegantissimo composuit et tandem obdormivit in domino in hoc avenionensi civitate anno domini M. CCCCXLIX.* En effet Alain a été inhumé dans l'église des Antonins d'Avignon. > Ces religieux ont une église qui n'est rien moins que belle, mais qui est remarquable à cause que le fameux Alain Chartier y a été inhumé. C'est à M. de Saint-Quentin de Remerville, que l'on est redevable de la découverte de cette inscription, dit l'abbé Expilly, laquelle fait connaître le (1) Chaudon et Feller, Dici. hist. 1818. (2) Biographie Universelle: (3) Tome I, p. 341 p.101 lieu et l'année de la mort d'Alain, et qui étaient restés ignorés jusqu'à présent (1). Mais M. du Fresne de Beaucourt considère ce monument épigraphique comme apocryphe ; Alain vivait encore en 1450, ainsi que le prouve la Ballade de Fougères ; puis, l'épitaphe ne mentionne point ces qualités officielles, que tous les documents contemporains lui attribuent : celles de notaire et secrétaire du Roi. Reste encore à savoir s'il était engagé dans les Ordres